Au lendemain de la démission du Premier ministre François Bayrou et des manifestations du 10 septembre, Guillaume Bernard s’interroge sur la situation politique et sociale de la France. Docteur et habilité à diriger des recherches, Guillaume Bernard est historien des institutions et des idées politiques ; il est notamment l’auteur de La guerre à droite aura bien lieu. Le mouvement dextrogyre (DDB, 2016).
La légitimité d’un régime politique ne se réduit pas à sa conformité aux procédures juridiques légales ; elle s’enracine dans la confiance que les gouvernés placent en leurs gouvernants et dans la capacité de ces derniers à réaliser concrètement le bien commun. C’est cette légitimité qui permet de traverser les crises sans effondrement, de transformer les secousses conjoncturelles en simples épisodes de résilience institutionnelle. Encore faut-il distinguer la crise politique, qui peut être résorbée par une alternance, de la crise de régime, qui met en jeu la pérennité des institutions. La première correspond à un moment de lassitude voire de défiance : elle peut être passagère. La seconde suppose une conjonction de facteurs plus profonds : paralysie des institutions, blocage de l’ascenseur social, effondrement financier…. Des symptômes d’actualité… La crise de régime traduit une perte d’espérance individuelle et collective, le renversement des institutions devenant l’unique horizon pour retrouver espoir. Dès lors, celui-ci peut être déclenché par un événement apparemment secondaire mais dont la portée est symbolique. Dans ces conditions, il convient de ne pas confondre l’agitation politicienne avec l’effondrement d’un système, même si la première peut être le catalyseur du second.
Révolution véritable ou de façade ?
Les modèles explicatifs du passé et prédictifs de l’avenir, ayant l’ambition d’être une science « crisologique », ont généralement pour défaut d’amalgamer les échelles. Ils tendent à confondre les difficultés d’accès au pouvoir d’un camp politique, l’épuisement d’une constitution, le rejet d’un système par l’opinion publique ou encore l’effondrement civilisationnel. Or, le degré de crise n’est évidemment pas le même. Le passage du IInd Empire à la IIIe République, même disputé pendant plusieurs années, n’équivaut pas à la chute de l’Empire romain en Occident. Il est des phénomènes (telle la perte de l’esprit civique) de plus grande ampleur que d’autres (un mode de scrutin pénalisant un courant au détriment de ses concurrents). Pour jauger de la gravité d’une crise, une question est donc centrale : qu’est-ce qui est réellement susceptible d’être remis en cause ? Sont-ce les organes politiques ou les soubassements idéologiques du…