France, l’effondrement qui ne vient pas

Publié le 07 Oct 2014
France, l'effondrement qui ne vient pas L'Homme Nouveau

Alors que l’on vient d’annoncer le déficit record de la France, que le nombre de chômeurs ne cesse d’augmenter, comment se fait-il que nore pays tienne encore debout? Analyse de Thomas Flichy de Neuville.

C’est une surprise quotidiennement renouvelée de voir un pays tenir malgré ses déficits abyssaux, son immobilisme et son incapacité à se réformer. Certes, les élites mortes qui nous gouvernent font des prouesses d’équilibriste afin d’organiser le naufrage silencieux du navire, tandis que les passagers sont tenus de rester sagement à leur place, l’attention rivée sur un écran. Toutefois, depuis qu’ils sont devenus les simples gestionnaires de la faillite différée, il est devenu difficile pour les gouvernants, de confiner les élites naturelles du pays. Celles-là mêmes qui se reconnaissent à trois qualités essentielles : le courage, le travail et l’audace créatrice. Dans un système où les dirigeants sont paralysés par la peur, l’inertie et le conformisme, la France tient aujourd’hui grâce à l’acharnement au travail d’une minorité active qui porte tout l’édifice mais également en raison de l’indiscipline créatrice et communicative de minorités innovantes qui réintroduisent la vie au cœur de grandes entreprises ou d’administrations fossilisées. Plus l’immobilisme gagne le sommet, plus les minorités actives et créatrices sont sollicitées.

Initiative et responsabilité

Or l’esprit d’entreprise et de responsabilité est beaucoup plus répandu qu’on ne veut bien le croire. Jusqu’à une date très récente, la France était en effet essentiellement constituée de paysans et d’artisans c’est-à-dire de micro-décideurs sécrétant de l’initiative et de la responsabilité. Nous sommes en effet les héritiers directs d’une révolution accomplie entre le IXe et le XIe siècle, au cours de laquelle le monde lourd, figé et sans imagination de la villa à laquelle sont attachés les serfs cède la place à des communautés de micro-décideurs. Nées au XIIe siècle, les libertés françaises ont pour garant une aristocratie militaire protectrice. Or qu’on le veuille où non, cette aristocratie militaire, lorsqu’elle n’a pas rompu avec les arts, incarne la quintessence de l’esprit français. La société militaire française s’oppose, à ce titre au contre-modèle d’une société policière. Ceci explique l’importance accordée aux différents chefs de l’État à leur statut de chef de des armées, surtout lorsque les difficultés intérieures surgissent. L’effondrement différé se présente dans ces circonstances comme une opportunité stratégique. Ce temps suspendu doit être saisi. Le renouvellement pacifique des élites est en effet la condition du redressement.

Thomas Flichy de La Neuville est professeur à l’Institut d’Etudes Politiques de Bordeaux, à l’Ecole Navale puis à l’Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr. Il est spécialiste de la diplomatie au XVIIIe siècle et auteur de plusieurs ouvrages de géopolitique. Son dernier livre, en collaboration avec Olivier Hanne, vient de paraître : La dette ou le crépuscule des peuples, Editions de l’Aube, septembre 2014.

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