Non, l’huile ne concerne pas que les salades et les moteurs !

Publié le 28 Nov 2022
huile

Samedi 26 novembre, se célébrait la journée mondiale… de l’olivier. Remettons donc de l’huile dans les rouages dans nos connaissances liturgiques et catéchétiques pour découvrir ou redécouvrir la dimension de ce liquide pas comme les autres.

 

Pour mener à bien notre propos, appuyons-nous sur un Français bien de chez nous ! « O Rédempteur, agréez les cantiques de ce chœur qui vous célèbre. » Tel est en l’effet le refrain de l’hymne chanté lors de la procession du Saint Chrême à la messe chrismale, composé au VIème siècle par Saint Venance Fortunat, évêque de Poitiers. Ce dernier, avec poésie et pédagogie, nous explique l’importance que l’Eglise attache à l’olivier. Surtout, il vient nous justifier sa place dans la liturgie.

 

Si certains éléments de la liturgie restent aujourd’hui très signifiants comme l’eau pour le baptême (l’eau est symbole de vie) ou encore le pain et le vin pour les espèces eucharistiques (pain et vin sont les images du partage, de l’offrande, des noces et de l’action de grâce), il semble qu’il n’en va pas de même pour l’huile d’olive. Bien que présente dans une majorité de sacrements (4 sur 7 : Baptême, Confirmation, Ordre et Onction des malades), la réalité sensible de l’huile ne renvoie pas spontanément à une réalité spirituelle…

 

A l’inverse du 1er des sacrements ou de l’Eucharistie. N’arrive-t-il pas (en fin de soirée notamment) que tel ou tel fêtard ambitionne de « baptiser » tel ou tel avec de la bière et ou du whisky ? « Prendre une coupe » évoque naturellement le geste de la Sainte Cène.

Mais l’huile ? Comment un élément qui relève davantage de l’univers de la cuisine ou de la mécanique pourrait-il être vecteur de grâce ? Si certains esprits s’accommodent de relier salade, friture ou moteur pour expliquer le rôle que joue l’épais liquide dans notre vie spirituelle, il semble expédient de rechercher les raisons profondes qui ont motivé la Tradition de l’Eglise dans ce choix. Pourquoi, le Sauveur lui-même a recouru à l’huile d’olive pour signifier sa grâce invisible ?

 

Une symbolique à cinq visages : Paix, vie, santé, force et sacré

 

Reprenons l’hymne de saint Venance Fortunat pour illustrer notre propos.

« Juge des morts,

espoir unique des mortels,

écoutez les voix de ceux qui s’avancent

portant le suc de l’olive, symbole de paix. »

 

« Symbole de paix. » C’est bien un rameau d’olivier que la colombe rapporte à Noé pour signaler la fin du déluge, marquer la fin de la colère divine et annoncer une nouvelle alliance. Cette colombe réapparaitra sur la tête de Jésus, le désignant comme l’oint de Dieu. Ainsi, l’huile d’olive symbolise la prospérité et l’union avec Dieu justifiant son usage dans nombre de sacrements et sacramentaux : à noter que l’huile des catéchumènes va de ce fait être utilisée exclusivement pour des sacramentaux lors du baptême, de l’ordination sacerdotale et des sacres royaux.

 

« Roi de l’éternelle patrie,

daignez bénir cette huile,

symbole de vie,

instrument de victoire contre les démons. »

 

« Symbole de vie. » C’est bien là le rapport primordial qui explique l’importance de l’olive et de l’olivier dans la liturgie de l’Eglise. Osons le rappeler, dans les sacrements les signes sensibles ont été choisis par le Christ lui-même pour illustrer l’effet invisible que leur usage opère dans l’âme. Ainsi l’eau dans le baptême symbolise la purification et la fertilité, effets justement opérés dans l’âme du fait de la vie surnaturelle produite et de la marque du péché originel lavé lors de la réception du sacrement.

 

« Symbole de santé. » De façon assez prosaïque, l’huile d’olive symbolise la santé étant donné son usage antique en médecine et pour l’hygiène puisqu’elle est encore aujourd’hui un ingrédient courant dans la fabrication des savons.

Dans l’Ancien-Testament, elle apparait pour le sacre des rois (Saül, David et Salomon), pour l’onction sacerdotale (Moïse qui ordonne Aaron), comme remède à la famine (avec la veuve de Sarepta). Mais certainement que le signe le plus édifiant est le prélude de la Passion du Sauveur dans un certain jardins … des Oliviers. Ainsi, l’agonie à Gethsémani associe l’olive avec l’œuvre de la Rédemption.

 

« Symbole de force ». Nous comprenons mieux pourquoi l’huile d’olive est utilisée comme matière dans deux sacrements : le Saint-Chrême pour la Confirmation et l’huile des infirmes pour l’Extrême-Onction. Du reste, il faut rajouter son usage pour l’ordination épiscopale.

 

« Symbole du sacré ». Les onctions, de celle imagée lors de la présentation du petit Simba dans le Roi Lion à celles de la consécration des églises ou des vases sacrés, nous manifestent une entrée dans le sacré.

L’Eglise a en effet étendu l’usage de l’huile dans nombre de cérémonies afin de marquer la bénédiction et la protection du Divin Maître vivant : outre son usage dans les cérémonies du baptême, le Saint Chrême est utilisé dans la consécration des calices et des autels, dans la bénédiction des cloches ; enfin dans la dédicace des Eglises, où l’Evêque en oint les douze croix qui doivent attester aux générations futures la dignité de la maison de Dieu.

 

L’olivier, premier témoin de l’entrée du Christ dans sa Passion.

 

« Un arbre fertile, sous un soleil fécond,

l’a produit pour qu’il devînt sacré ;

ce cortège vient humblement

l’offrir au Sauveur du monde. »

Nous pourrions encore désigner nombre de rites où l’huile d’olive est utilisée, comme la bénédiction des fonts ou encore différentes onctions, ainsi que donner nombre de significations supplémentaires (huile des gladiateurs comme symbole de force par exemple), mais il semble que l’essentiel peut se résumer dans le fait que l’olivier reste comme le premier témoin de notre Rédemption car témoin de l’agonie : ainsi, si l’arbre de la Genèse avait assisté à la chute d’Adam, l’arbre de Gethsémani peut témoigner du relèvement de l’humanité dans le Nouvel Adam qu’est le Christ.

Le fruit de l’un fut la mort, le fruit de l’autre est la Rédemption. Comment ne pas citer le poète qui dans le désarroi se rattache à cet arbre et à son fruit ?

 

« Ah ! si demain, Seigneur, du jardin des Olives,

Je pouvais repartir vers le monde qu’on voit,

Laissez-moi boire encor aux fontaines d’eaux vives

Et laissez s’éloigner cette coupe de moi. »

 

A Dieu ne plaise pour que, ici-bas et dans notre éternité, tout baigne. Et pas seulement dans l’huile.

 

A lire également : Doit-on donner à un pauvre dans la rue ? – L’Homme Nouveau

Chanoine Alexis d’Abbadie +

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