Intelligence artificielle (2/5) : Penser, comprendre, exécuter, où est l’intelligence ?

Publié le 19 Mar 2025
intelligence artificielle machine

Les capteurs réagissent au sensible suivant un programme mais ne le sentent pas. © Pxhere

> Dossier : « L’intelligence artificielle : entre innovation et responsabilité »
Éblouis par les les progrès fulgurants des machines et leurs nouvelles capacités d’apprentissage, n’en oublions-nous pas ce qu’est réellement l’intelligence ? Bénédicte Mathonat, philosophe, rappelle ce que sont les facultés humaines et pourquoi elles resteront le propre de l’homme.

  Jacques Arsac, l’un des pionniers de l’informatique en France, aimait à dire que l’intérêt des programmes dits d’intelligence artificielle était de nous amener à clarifier ce qui appartenait en propre à l’intelligence humaine : ce qu’un artefact ne pourrait jamais reproduire, conscient qu’il était des limites intrinsèques au traitement de l’information par une machine. L’argument principal à opposer aux tenants d’une « intelligence » artificielle étant, pour lui, la spiritualité de notre intelligence (1). 

Une croissance exponentielle

Mais, de fait, les progrès observés et ce, selon une croissance exponentielle que l’on constate quasiment mois après mois, dans le domaine du langage, de l’intuition, de la créativité, ne demandent-ils pas de comprendre comment de telles caractéristiques – attribuées aux êtres humains – peuvent être « reproduites » – voire dépassées – par ces nouveaux outils (2) ? Pourquoi continuer à penser que la spécificité humaine peut toujours leur échapper ? Ne faudrait-il pas rabaisser nos prétentions ?  Rappelons que les machines ne « savent » pas ce qu’elles font. Elles ne font qu’exécuter une suite de tâches en fonction d’un algorithme. Leurs prouesses dépendent de l’ingéniosité dans l’écriture de ces instructions, des données intégrées, et de leur puissance à les traiter. L’essor actuel s’explique par l’attention portée au domaine des « apprentissages » et les nouvelles architectures pour les « reproduire » (3). Mais, il n’y a là rien qui requière une compréhension intellectuelle. Ainsi, la façon – extraordinaire – dont un enfant intègre l’équilibre corporel nécessaire à la station verticale se fait par une suite de tâtonnements, d’enregistrements de la succession des échecs et réussites. Si bien qu’il finit par « savoir » de lui-même, spontanément, comment adapter hic et nunc membres et muscles pour une bonne posture. La mise en œuvre d’une telle synchronisation s’acquiert par une capacité de mémorisation adaptative sans demander d’intelligence. Bien plus, un savoir abstrait ne peut la réaliser. Or c’est l’ensemble de notre vie quotidienne qui s’appuie sur l’acquisition de ces dispositions : reconnaissances, intégrations de « codes » de conduites variées, prévisions… Telle est l’importance de l’expérience sensible pour proportionner nos actions à la singularité de chaque situation en associant et rapportant…

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Bénédicte Mathonat

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