Jeanne ou la légitimité surnaturelle

Publié le 13 Juin 2016
Jeanne ou la légitimité surnaturelle L'Homme Nouveau

Grand avocat et écrivain, Maître Jacques Trémolet de Villers était familier des minutes du procès de Jeanne d’Arc lorsqu’il les a redécouvertes en professionnel du barreau. Il fait partager cette relecture du procès de Rouen dans un ouvrage passionnant qui réunit « le plus émouvant et le plus pur chef-d’œuvre de la langue française ».

Est-ce l’avocat, le chrétien ou le patriote qui est à l’origine de ce livre ?

Maitre Trémolet de Villers : C’est l’avocat ! Parce j’avais toujours à proximité les minutes du procès de Jeanne d’Arc et que je me suis décidé un jour à les relire avec un œil professionnel. Je l’ai fait, plume à la main, procès-verbal après ­procès-verbal. Je me suis constamment interrogé : qu’est-ce que Jeanne dit, pourquoi le dit-elle ainsi, pour quelles raisons ses juges posent-ils leurs questions, qu’est-ce qu’ils cherchent ?

J’ai essayé également de déceler à travers les lignes le système de défense qu’elle avait mis au point et, même, au préalable, si elle en avait un. Au final, j’ai été obligé de conclure que non seulement Jeanne était géniale, mais aussi que je découvrais des éléments que je n’avais jamais perçus. Vous vous rendez compte ! Pendant cinquante ans, j’ai lu ce livre. Ma première conférence politique, prononcée à 19 ans, l’a été sur Jeanne, à partir du procès, justement. Et, pourtant, la richesse de ce texte est telle que j’en découvre encore des aspects aujourd’hui. C’est pour cela que j’ai pu dire que j’ai connu Jeanne quand elle avait 19 ans et moi aussi. C’est une vieille histoire. Sauf qu’elle a toujours 19 ans !

Je vais vous faire une confidence : mon éditrice m’a demandé de relire mon texte en me demandant si je n’étais pas un petit peu amoureux de mon héroïne. Je lui ai confié : pas un peu, beaucoup ! Pour répondre totalement à votre question, il faut avouer qu’il est quand même difficile de dissocier l’avocat du chrétien et du Français, même si le sens de ma démarche s’inscrit bien dans le cadre de l’avocat.

Comment Jeanne était-elle comme accusée ?

Elle m’apparaît extrêmement forte, habile, courageuse. Comme ­elle l’a été dans sa vie militaire, c’est-à-dire toujours dans l’offensive, ne perdant pas la main et ayant une vision simple des choses. Sa stratégie, que j’ai comprise à la deuxième ou troisième lecture, c’est de dire : mes juges ne sont pas des juges, ce sont des ennemis. Ils veulent mon secret, ils ne l’auront pas. Je leur en dirai le moins possible – sauf quand ses voix lui disent : « Parle hardiment ! ». À ce moment-là, elle leur lâche des choses. Sinon, elle estime visiblement qu’il lui faut gagner du temps. C’est son idée maîtresse. Parce ­qu’elle n’a pas achevé sa mission et qu’elle veut la terminer. Elle pense qu’il y aura un coup de main de ses amis et qu’elle sera libérée. Et ses voix lui confirment d’ailleurs qu’elle le sera « par grande victoire » et elle l’interprète comme étant une grande victoire temporelle.

Du point de vue de la défense, elle recourt à une stratégie de très grand avocat. C’est la stratégie de Tixier-Vignancour lors du procès du général Salan. Tixier aussi a joué la durée. Si le procès ne devait se dérouler que pendant une semaine, il était sûr que Salan serait fusillé. S’il durait deux mois, Salan était sauvé. Donc il fallait que le procès se prolonge pendant deux mois. Avec Jeanne, nous sommes un peu dans la même idée.

La stratégie vous semble donc pertinente ? Commet-elle quand même des erreurs ?

Par moments, un avocat lui dirait : non, Jeanne cette parole n’était pas vraiment nécessaire… Par exemple quand on lui demande s’il y avait beaucoup de lumière quand elle est arrivée chez le roi à Chinon et ­qu’elle répond : « Toute lumière ne vient pas que pour vous. » Un avocat, qui pense toujours que des juges sont des juges, aurait dit que cette réplique était dangereusement inutile. Mais encore une fois, pour Jeanne, les hommes qui la jugent ne sont pas des hommes de justice, mais des adversaires. Elle mène une autre forme de bataille, dans le cadre de la même guerre. Elle est d’emblée beaucoup plus lucide que nous pouvons l’être.

Justement, est-ce que ce procès était vraiment perdu d’avance ?

Oui, sans aucun doute. Comme pour les procès de Socrate ou du Christ. Il est impossible de gagner devant une telle justice. C’est un véritable procès politique !

Qui sont ses juges et ont-ils le droit de la juger ?

C’est le gratin de l’époque. On a fait appel à ce qu’il y avait de mieux dans le monde ecclésiastique du temps. Les juges viennent de l’Université de Paris. Ils sont tous insignes docteurs en sacrée théologie ; ils possèdent toutes les décorations possibles. Mais c’est un tribunal d’exception. On n’arrive pas à le définir exactement. Même si un vice-inquisiteur vient à la fin du procès, il ne s’agit pas d’un tribunal de l’Inquisition. Si c’était un tribunal pour juger un criminel de guerre, elle aurait été jugée par un tribunal de l’ordre civil. Très clairement, nous sommes devant un procès religieux, mais qui n’en remplit pas toutes les conditions. Quand De Gaulle a voulu juger des généraux de l’Algérie française, il a créé un tribunal spécial militaire. Là, le roi de France et d’Angleterre, à la demande de l’Université de Paris, a créé une juridiction d’exception.

Comment expliquer qu’un tel tribunal d’exception puisse exister ?

Cauchon l’explique très bien : Jeanne a infesté toute la chrétienté. En même pas deux ans, elle est devenue une vedette mondiale. Elle a droit à toutes les chroniques du temps. On en parle partout, jusqu’à Rome. Comme elle était déjà précédée d’une sorte de légende, elle est devenue le personnage numéro un de la chrétienté. Et cette situation est insupportable à l’Université de Paris.

Mais, pourquoi ?

Tout simplement parce que Jeanne met par terre le plan temporel de l’Université de Paris ! Celle-ci a béni le traité de Troyes, soutenu par tous, à l’exception du pape. Elle assiste le roi de France et d’Angleterre, qui entend établir un nouvel ordre. Et, là-dessus, Jeanne arrive et, au nom de Dieu, remet en cause cette situation. Soyons clairs : c’est l’Université de Paris qui écrit au roi de France et d’Angleterre qu’il faut absolument entreprendre un procès.

Est-il normal, dans les procès de l’époque, de ne pas avoir d’avocat ?

Mais non ! Puisque justement l’Inquisition a eu le mérite d’inventer la procédure pénale et de nommer un avocat, pas obligatoirement, mais pour les personnes infirmes intellectuellement – ce qui était le cas de Jeanne puisqu’elle ne savait ni lire et écrire – ainsi que pour les mineurs. Et d’ailleurs, à un moment, Cauchon lui propose un avocat, mais à choisir parmi les juges présents… C’est-à-dire un avocat « soviétique » ! Très poliment, avec courtoisie et ironie, Jeanne refuse : « J’ai déjà mon conseil et je n’ai pas l’intention de m’en départir ».

Et aucun avocat ne s’est spontanément proposé ?

Il semblerait que certains se soient proposés, mais cela aurait été comme Loiseleur, des traîtres. Nous savons que parmi les 50 ou 60 juges qui composent le Tribunal, certains sont partis, n’ont pas voulu assister à ce procès, ou ils ont été expulsés par Cauchon, car ils devenaient trop favorables à Jeanne. Il y a donc eu beaucoup de lutte interne dans le tribunal. Et des retournements. C’est pour cela que son idée de faire traîner le procès est habile : elle pense qu’elle peut en retourner certains.

Combien de temps va durer ce procès et respecte-t-il la procédure ?

Il a duré du 22 février au 30 mai. C’est long.

Le procès en annulation, vingt-cinq ans, après, a fait ressortir les nullités de procédure : incompétence juridique de l’évêque, soumission des juges aux Anglais, récusation par Jeanne de ses juges, appel au pape et au concile refusé par Cauchon, etc.

Les témoins ont-ils été écartés ?

Ils n’en ont pas trouvé ! Nous en avons cependant un petit écho. Quand Cauchon envoie des émissaires à Domrémy pour recueillir des renseignements à charge, ils reviennent en affirmant qu’ils auraient bien aimé entendre les témoignages recueillis sur Jeanne à propos de leur mère ou de leur sœur. Jeanne demande plusieurs fois de faire venir les rapports des procès de Poitiers et de Chinon. On se demande si Cauchon ne les a pas eus et s’il ne les a pas détruits, de façon à ce qu’on ne s’en serve pas. Mais sont-ils vraiment arrivés ? Les deux camps sont très poreux. Cauchon avait des liens avec le Conseil de Charles VII comme il était très lié avec les Bourguignons. Il connaissait La Trémoille, Regnault de Chartres, qui ont non seulement lâché Jeanne, mais l’ont chargée. Jeanne était son ennemie depuis plus longtemps encore. De ce fait, Cauchon pouvait avoir des émissaires, des espions qui auraient pu se procurer les procès de Poitiers ou de Chinon.

Comment définiriez-vous Cauchon ?

C’est le vrai cerveau. Le vrai mauvais juge dans ce qu’il a de plus horrible : Caïphe et Pilate réunis. Il est perfide et cruel. Il a des astuces de juge. Il faut les avoir fréquentés pour s’en rendre vraiment compte. Il est à la fois très courtois – même à la fin quand Jeanne lui dit : « Évêque, je meurs par vous », il répond : « Prenez en patience », c’est typiquement une réponse de magistrat ! – et en même temps, il la hait. Dès le début elle le renvoie : « Je ne sais pas sur quoi vous voulez m’interroger. Peut-être je ne vous dirai pas tout. » Cauchon mesure alors qu’il a en face de lui un adversaire de taille qu’il convient de réduire. Il utilisera donc tous les moyens, y compris la prison. À l’époque, celle-ci est considérée comme un instrument de torture, légitime, pour faire parler les gens. Jeanne est donc mise dans une prison qui est particulièrement dure. Cauchon lui dira ce que lui seul pouvait lui dire : « Je suis maître de ton salut temporel mais aussi de ton salut éternel. » Jeanne a été torturée physiquement, et elle a eu droit en plus à une torture morale et spirituelle inouïe.

Avez-vous changé de vision sur Cauchon entre le moment où vous avez commencé votre travail et maintenant ?

Oui, parce que ma vision antérieure dépendait pour beaucoup de celle d’Anouilh. Mais pour ce que je peux juger, Cauchon représente vraiment l’incarnation du mauvais juge comme dans l’Écriture, les juges de la chaste Suzanne.

On est toujours surpris des réponses de Jeanne, qui sont d’une grande qualité théologique, d’une concision qui étonne. Est-ce que les juges ont été saisis de la même manière ?

Oui, il y a des notes des greffiers qui le disent. Après que Jeanne eut dit, par exemple : « Si je n’y suis que Dieu m’y mette, si j’y suis que Dieu m’y garde », les greffiers inscrivent qu’il y eut un grand silence parmi les juges. Parfois, ils notent « responsia superba ». Cela veut dire réponse orgueilleuse, ou « responsa mortifera »… Il faut voir qu’ils sont 50 juges bourguignons. Et quand ils lui demandent s’il y avait un Bourguignon à Domrémy, elle répond : « Oui et j’aurai bien voulu qu’il eût la tête coupée ». Objectivement, elle se fait plaisir. Si elle n’avait pas été ainsi, elle ne serait pas Jeanne d’Arc. ­Elle est tout le temps dans l’humour piquant. C’était sa façon d’être pendant la guerre, au conseil du Roi, probablement dans sa famille, devant les juges de Poitiers. Elle est très soumise, très discrète, très humble et en même temps elle est très vive, très drôle et parfois elle ne résiste pas à la gaîté d’une boutade !

Quelle est la réplique qui vous a le plus marqué ?

Je pense que c’est celle sur l’état de grâce avec la suite dont Brasillach dit qu’elle n’est pas souvent citée et pourtant elle s’élève comme le chant de l’âme : « Je serai la plus dolente du monde si je savais ne pas être en état de grâce ». Et puis le sommet c’est celle sur ses voix. Quand elle décrit : « Quand j’eus l’âge de 13 ans, j’eus une voix de Dieu pour m’aider à me gouverner. Et vint cette voix environ à l’heure de midi, au temps de l’été, dans le jardin de mon père. » Je crois que c’est la plus belle phrase de la langue française.

C’est le poète qui parle là !

C’est le poète et c’est le chrétien. Si vous analysez bien la phrase, elle indique le caractère de Jeanne. C’est une fille de plein soleil. Elle est née pour la victoire. C’est pour cela qu’elle est rieuse, elle est d’un seul jet, pleine de vie. Et en même temps elle ajoute : « Et la première fois j’eus grand peur ! ». Ce texte-là est très beau. De même celui qui enchantait Barrès : quand elle décrit les jeunes filles qui vont à l’arbre aux fées. Elle a une poésie incroyable. Il faudrait aussi parler de sa réponse quand on la questionne sur ses voix : « Ce fut saint Michel que j’ai vu le premier. » Quand le juge lui demande comment elle l’a cru : « J’eus cette volonté de le croire. » Cela va très loin dans l’expérience mystique.

Peut-on tirer des minutes une politique selon Jeanne ?

Une politique et un art judiciaire ! Jeanne a la légitimité surnaturelle ; elle possède l’art politique, l’art militaire et l’art judiciaire, les trois fonctions régaliennes. Et elle installe la sainteté au cœur de ces trois instances qui sont tout sauf saintes. Elle met aussi la sainteté au cœur du monde ecclésiastique, en opposant Dieu à ces hommes de Dieu. Peut-être que le plus beau texte se trouve dans sa réponse aux juges quand ils lui demandent comment elle parle à son Conseil. Elle explique : « Je présente requête, à sainte Catherine ou sainte Marguerite et elles présentent requête à notre Seigneur qui m’envoie la réponse. » C’est la procédure céleste. « Mais quand je n’ai pas le temps, je prie intérieurement et je dis : “Très doux Dieu, en l’honneur des mérites de votre sainte Passion, si vous m’aimez, dites-moi ce que je dois répondre à ces gens d’Égli­se”. » Quand elle leur explique cette façon de prier, ces gens d’Église n’en peuvent plus. Ils veulent la tuer. Jeanne est la laïque pure. Elle est paysanne, soldat et artisan. Ce sont les trois caractéristiques du laïcat qui est le peuple qui vit du travail de ses mains. Les autres sont des clercs, laïcs ou religieux.

Qu’est-ce qui caractérise cette politique ?

Comme dans tout son art, la simplicité absolue. Il faut établir l’ordre. « J’avais un grand désir que le roi eut son royaume. » C’est tout l’ordre national et international. À l’époque elle résout le problème. Si le roi de France a son royaume, la guerre de Cent Ans est finie. Après toutes ses victoires, les chefs militaires et les conseillers du roi lui expliquent qu’il faut désormais repousser les Anglais à la mer. Ce n’est pas l’avis de Jeanne. Pour elle, il faut aller à Reims qui représente la réponse politique, plus importante que l’exploitation militaire de la victoire. Le roi sacré, c’est sa politique. Malheureusement, par la suite, le roi ne la suit pas et il la désavoue. Il perd ainsi sept ans, avec sa négociation avec les Bourguignons, qui permet aux Anglais de se refaire. Alors que dans le dessein de Jeanne, après Reims, il y avait Paris. Mais Charles VII préfère négocier. Elle explique pourtant : « Mais, Sire, vous n’aurez la paix qu’à la pointe de la lance. » Il ne l’écoute pas. Elle est à la limite de la désobéissance puisqu’elle va mettre le siège devant Paris. Finalement, elle obéit au roi qui l’envoie faire une campagne inutile à la ­Charité-sur-Loire, pour l’occuper, pour ­qu’elle ne soit plus auprès de lui et qu’il puisse mener ses négociations comme il veut. Elle a tout souffert. Elle vient de le faire sacrer roi, elle l’a réinstallé. Il fait exactement le contraire de ce ­qu’elle voit avec évidence qu’il faudrait faire, mais elle obéit pour ne pas détruire l’ordre qu’elle vient d’installer.

Quelle leçon politique pour aujourd’hui ?

Il nous faut un roi ! La leçon politique de Jeanne aujourd’hui est la même qu’il y a cinq siècles. Mais cette leçon politique ne peut pas être séparée de la leçon mystique. Au roi lui-même elle dit : « Tu n’es que le lieutenant du roi des cieux. » Le vrai roi de France, c’est Jésus-Christ. Et dans la guerre qui se fait aujourd’hui dans le monde, qui est une guerre religieuse, il faut substituer à la laïcité à la républicaine la laïcité de Jeanne.

Dans votre envoi, vous semblez voir dans les jeunes filles qui se sont levées au moment de l’opposition à la « loi » Taubira, des nouvelles Jeanne d’Arc.

Une des causes qui a déclenché l’écriture de mon livre est une invitation par des jeunes filles à une soirée de Veilleurs. Chaque intervenant doit arriver avec un texte. J’ai pris quelques extraits du procès de Jeanne. Après je leur ai dit : c’est votre grande sœur. C’est pour cela que j’ai fait cet envoi ; elles ont cette vivacité, cette répartie, cette liberté d’allure. Croyez-moi : la race de Jeanne n’est pas morte du tout.

Le proces de Rouen
Pour en revenir à votre livre, d’un point de vue plus technique, comment avez-vous travaillé cette imposante matière ?

Je dois rendre hommage ici à Jean Piat. Je lui ai confié le début de mon manuscrit. Il m’a demandé d’en jeter la préface, en me disant : prenez-nous par la main et mettez-nous dans la salle d’audience. Promenez-nous d’audience en audience et expliquez-nous ce qui se passe. J’ai donc suivi sa méthode. Je ne suis pas l’avocat, je suis le chroniqueur judiciaire. Par ailleurs, je suis passé très souvent à côté de la beauté de ce texte sans la voir. C’est pourquoi j’ai décidé de le couper en partie pour le mettre en relief. J’ai voulu le sortir de la poudre du greffe pour le mettre en valeur. Je dois également rendre hommage à mon préfacier, Olivier Sers, parce qu’après avoir vu mon premier manuscrit, il m’a fait remarquer que j’avais oublié 60 pages. C’était tout le réquisitoire d’Estivet. Certes ce passage est long. Craignant qu’il soit trop long, j’avais résumé, mais il nous permet d’entendre les réponses de Jeanne qui sont quand même étonnantes. Je l’ai réinséré et ainsi nous avons le texte le plus précis et le plus authentique possible.

Est-ce un travail qui vous a demandé une longue méditation ?

Non, je suis allé très vite. D’abord j’ai été happé par Jeanne que j’ai vue, rencontrée. Avant elle était comme dans tous les livres, un personnage que l’on admire et que l’on révère. Mais là, je l’ai vue en scène comme parfois on découvre un client, surtout aux assises. Parce que c’est là qu’est le choc. Et c’est là que se crée une sorte de fraternité entre l’avocat et le client, dans le combat commun. C’est ce qui s’est passé avec Jeanne.

Est-ce que cela veut dire que sans le procès nous ne pouvons pas connaître réellement Jeanne ?

Oui, effectivement. Le procès nous permet de connaître Jeanne intime, la personne vivante au-delà de sa magnifique geste. Pour cette raison, je suis très heureux de la couverture du livre qui fait apparaître que l’auteur, c’est Jeanne d’Arc elle-même. C’est elle qui entre dans le catalogue prestigieux des Belles Lettres. Et elle a des titres pour y entrer, car elle pratique les belles lettres, tout en ne sachant ni « a » ni « b ».

Partagez-vous le jugement de Brasillach selon lequel ces minutes sont « le plus émouvant et le plus pur chef-d’œuvre de la langue française » bien qu’il n’ait pas été « écrit par un homme de lettres » mais qu’« il est né de la collaboration douloureuse d’une jeune fille de 19 ans, visitée par les anges, et de quelques prêtres mués pour l’occasion en tortionnaires » ?

Et, comment ! J’insiste vraiment : Jeanne a toute sa place aux Belles Lettres aux côtés de Virgile, Homère, saint Augustin, Cicéron, Démosthène, etc. Elle ne sait ni « a » ni « b », mais elle pratique une langue exceptionnelle qui tient au fait qu’elle a été élevée pendant six ans par les anges. Elle parle donc un langage d’ange, ce qui prouve au passage qu’au Ciel on parle français !

Jeanne d’Arc, le procès de Rouen, lu et commenté par Jacques Trémolet de Villers, Les Belles Lettres, 320 p., 24,90 €.

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Pour aller plus loin et retrouver Jeanne chez les poètes et écrivains, lire notre hors-série n° 8, Ils ont écrit sur Jeanne d’Arc…, Éd. de L’Homme Nouveau, 64 p., 7 €.

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