L’auteur exerce des responsabilités de formateur dans la famille carmélitaine en Allemagne et au niveau international, et il déploie ici des qualités didactiques et pédagogiques appréciables pour ce sujet particulièrement récalcitrant à la formulation verbale qu’est l’expérience mystique. Après une brève présentation de la vie du saint, il aborde celle-ci et ses écrits sous l’angle du Todo/Nada, le Tout et le Rien, suivant en cela l’itinéraire proposé par saint Jean de la Croix lui-même dans la Montée du Carmel. Sans renier nettement l’héritage de sa propre famille mâtiné de thomisme, qui insiste sur la dimension ascétique et donc d’itinéraire du Rien vers le Tout, mais qu’il juge ne pas redonner « les contenus des expériences existentielles ontologiques » (l’expression fleure son Karl Rahner), il lui préfère nettement les interprétations qu’il qualifie de critiques, à savoir celles marquées par des pensées extérieures à la théologie chrétienne, telles que Plotin, Hegel et surtout, la phénoménologie existentielle du siècle passé, ressaisies dans une optique de foi.
L’opposition est exagérée – et le risque d’une dialectique du Tout et du Rien qui décentre du Tout de Dieu vers le Rien de l’homme (qui alors se gonfle) n’est pas toujours évité, au moins dans l’expression. Mais ce livre a le mérite de partir de catégories compréhensibles par bien des hommes d’aujourd’hui pour les conduire vers les réalités de la foi vécues dans leur radicalité par le mystique.
Günter Benker, Tout abandonner et trouver tout, La mystique de Jean de la Croix, Parole et Silence, 262 p., 22 €.