L’abdication de Benoît XVI

Publié le 12 Fév 2013
L’abdication de Benoît XVI L'Homme Nouveau

Ce lundi 11 février, le Saint-Père Benoît XVI a annoncé sa prochaine abdication au cours d’un consistoire. Cette nouvelle a surpris le monde entier, et elle a attristé de nombreux catholiques attachés filialement, affectivement, à la personne du Pape Ratzinger.Cette abdication ne manquera pas d’éclairer la lecture qui sera faite de l’histoire d’un grand pontificat. Loin d’avoir été un pape de transition, comme d’aucuns l’ont affirmé au début du pontificat, pour se rassurer, le pontificat de Benoît XVI, malgré sa relative brièveté, restera comme un pontificat marquant, difficile et courageux. Alors que Jean-Paul II avait assuré la transition, une très longue transition, entre le pontificat de Paul VI et celui de Benoît XVI, Benoît XVI a pu, dans un contexte très délicat, malgré les attaques violentes qu’il a essuyées, amorcer de manière décisive une œuvre de restauration et de reconquête spirituelle dont la portée ne sera appréciée à sa juste valeur que dans plusieurs décennies. Son enseignement a permis d’isoler le mal dont souffrait notre monde contemporain, la dictature du relativisme, fruit du divorce cartésien entre la foi et la raison, et le remède, thomiste, d’une raison nourrie par les vérités de la foi. Son enseignement a permis aussi de rappeler à notre monde que le respect du droit naturel était la condition de l’existence d’un État de droit consistant. Sa douceur salésienne lui a permis de conserver l’héritage doctrinal de l’Église, de l’enseigner à notre temps, de panser les blessures du Concile, en affirmant magistralement la nécessité d’une « herméneutique de la continuité », seule conforme à l’esprit de l’Église, seule capable de maintenir l’unité de l’Église et d’y faire régner la paix. Son action éminemment pastorale de restauration liturgique lui a permis de replacer le mystère de la Présence réelle au cœur de la vie spirituelle, condition nécessaire d’un renouveau dont les premiers bourgeons sont déjà visibles, y compris dans notre vieille Europe agnostique. Son invitation à revisiter et à transmettre l’héritage de la civilisation chrétienne, en redécouvrant les grandes figures qui l’ont illustrée, qui ont embelli la Création et enrichi la connaissance en cherchant à mieux connaître Dieu, a fait de Benoît XVI le gardien de la civilisation chrétienne menacée par la barbarie matérialiste et relativiste. Ce faisant, il a mis ses pas dans ceux de Grégoire le Grand.Lors du consistoire, le Pape a déclaré ne plus avoir la force physique d’assumer le ministère pétrinien. Il est probable que les intrigues qui minent le Saint-Siège depuis un an auront conduit le Pape à anticiper sa décision de deux ou trois ans. Benoît XVI a voulu épargner à l’Église une fin de règne au cours de laquelle d’aucuns auraient été tentés d’abuser de sa faiblesse physique grandissante, ou auraient profité du spectacle d’un trop long déclin pour contester la pertinence de l’institution monarchique, comme ce fut le cas à la fin du pontificat du bienheureux Jean-Paul II. Grâce à cette décision courageuse et intelligente, Benoît XVI ne connaîtra pas de fin de règne. Il préserve magistralement l’institution pontificale en lui conservant toute sa force.Cette abdication (et non démission comme l’écrivent ceux qui n’ont aucun sens des nuances linguistiques et juridiques) n’est pas un cas unique dans l’histoire de l’Église. Déjà, en 1295, Célestin V avait renoncé au souverain pontificat quelques mois après son élection. De même, en 1415, déférant à l’invitation du concile de Constance, le pape de Rome, Grégoire XII, avait sacrifié sa tiare à l’unité de l’Église. Le choix de Benoît XVI ouvre sans doute une page nouvelle dans l’histoire de l’Église. Il y aura bientôt deux papes, sans que l’unité en souffre, un pape régnant et un pape « honoraire », dont il faudra définir la place et le rôle dans l’Église, un rôle qui devra sans doute être discret mais qui ne pourra pas être inexistant. On imagine volontiers le successeur de Benoît XVI lui demander de l’éclairer de ses conseils en l’invitant, notamment, à participer aux consistoires ; un peu à l’image de ces monastères bénédictins où le Père abbé ne manque jamais de consulter son prédécesseur. L’abdication de Benoît XVI est la conséquence de l’allongement de l’existence, de la lourdeur croissante du ministère pontifical, soumis depuis quelques décennies à des voyages fréquents et à une pression médiatique souvent hostile. Elle restera un exemple, laissé à la libre appréciation de ses successeurs, qui choisiront le moment où il leur semble, pour le bien de l’Église universelle, plus prudent de transmettre la crosse de Pierre à un homme plus jeune et, physiquement, plus fort.

Conclave

À cet égard, le choix de Benoît XVI ne pourra pas ne pas influencer le déroulement du prochain conclave. Il est incontestable que le Saint-Père pèsera très fortement, d’une manière ou d’une autre, sur le choix de son successeur (plus encore que l’avait fait Jean-Paul II en faveur du cardinal Ratzinger). Le souci de préparer sa succession, à un moment particulièrement critique, où les attaques se multiplient contre l’Église, aura sans doute pesé lourdement dans sa décision. L’effet de surprise, parfaitement réussi, participe certainement du dispositif stratégique. Certes, les « loups » qui intriguent tapis dans l’ombre ne manqueront pas de se dépenser. Cependant, le Saint-Esprit, qui reste, il ne faut pas l’oublier, l’acteur principal du conclave, veille lui aussi, en pleine lumière. Il faut aux catholiques le prier ardemment. En cette Année de la foi, Benoît XVI, toujours soucieux de notre sanctification, nous offre, en quittant la chaire de Pierre, un Carême « aux petits oignons », avec double ration de prières et de pénitence pour tout le monde. En huit ans, Benoît XVI a renouvelé en bonne partie le Sacré Collège. Il a procédé à de nombreuses nominations, distinguant des personnalités éminentes, à ce jour encore sexagénaires, ce qui, dans le contexte, est un atout. Il serait dès lors étonnant que le pape qui sortira du prochain conclave soit éloigné de la ligne doctrinale, spirituelle et liturgique qu’il a illustrée depuis 2005. Avec l’aide de Dieu, c’est sans doute parmi les cardinaux les plus proches et les plus fidèles à Benoît XVI que sera choisi le prochain pape.

P.-S. :

Depuis l’annonce de l’abdication, les parieurs se déchaînent. À les croire, le cardinal Arinze serait le favori. L’idée d’un pape noir est une vieille lubie des milieux prétendument branchés. Cette fois-ci, ils oublient juste un détail : le cardinal Arinze est âgé 80 ans et trois mois. Il ne pourra donc pas participer à l’élection du nouveau pape. Certes, cela n’interdit pas au conclave de le choisir. Cependant, soyons logique : il serait très étonnant qu’après l’abdication d’un pape de 86 ans qui se jugeait trop âgé pour assumer la fonction le Sacré Collège élise un cardinal âgé de 80 ans bien sonnés.

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