Le débat sur la fin de vie se poursuit

Publié le 12 Avr 2013
Au quotidien n° 247 : état de droit et refondation politique L'Homme Nouveau

Le député UMP des Alpes-Maritimes Jean Léonetti, rapporteur de la loi sur la fin de vie de 2005, a récidivé en déposant le 27 février dernier à l’Assemblée nationale une nouvelle proposition de loi pour « renforcer les droits des patients en fin de vie », qui devrait être discutée à l’Assemblée nationale le 25 avril prochain.

Les études n’en finissent pas de paraître qui montrent que l’on meure mal en France, que les Français veulent finir leur vie « dans la dignité », que nos voisins qui ont déjà légalisé l’euthanasie s’en portent très bien… mais aussi que la loi Léonetti sur la fin de vie de 2005 est méconnue de la plupart des Français et d’une large part du corps médical. La France s’était pourtant doté d’un arsenal législatif permettant la mise en place des soins palliatifs, un vrai pas en avant, malgré quelques ambiguïtés, dans la prise en charge de la fin de vie. Le chantier est loin d’être achevé, conduit notamment Jean Léonetti et le professeur Didier Sicard, ancien président du Comité Consultatif national d’Éthique (CCNE) chargé par François Hollande de rédiger un rapport sur la question. Au cœur de ce travail, de légitimes préoccupations, partagées par les promoteurs de l’euthanasie comme par ses opposants, notamment tenir compte de l’aspect éminemment politique de la fin de vie, au-delà de la subjectivité à travers laquelle chacun aborde la question de sa propre finitude. D’où l’exigence d’une loi qui fixe précisément les responsabilités des patients comme du corps médical. Autre préoccupation largement partagée, celle de développer les soins palliatifs en même temps que limiter l’acharnement thérapeutique. Reste à savoir si la mort est un acte médical, un ultime soin qui entrerait dans le domaine de compétence du personnel soignant…

sicard 0 fin de vie
soins palliatifs aromatherapie fin de vie

La nouvelle proposition de loi du député Léonetti repose sur deux axes majeurs : d’une part le droit pour les malades en phase terminale et conscients (ou inconscients mais l’ayant stipulé dans leurs directives anticipées), de demander la sédation terminale pour apaiser une souffrance jugée insupportable en prenant sciemment le risque que le médicament abrège la vie. D’autre part, le renforcement du dispositif des directives anticipées. Mais dans quelle mesure une personne terrassée par la douleur physique et/ou morale est-elle en mesure d’exercer pleinement sa liberté pour prendre la décision par essence irréversible de se donner, ou de se faire donner la mort ? Et qu’en est-il des patients inconscients ou incapables de prendre une décision ? Si la souffrance est indigne, motif suffisant pour abréger la vie, elle devrait l’être pour tout le monde. Au cœur du problème, la notion d’autonomie, abusivement désignée par une société effrayée par la vulnérabilité comme condition sine qua non de la dignité humaine…

Quant à la sédation terminale, elle n’est pas moins ambiguë. La loi de 2005, déjà, autorisait le « double effet », soit l’administration, lorsque la souffrance est jugée insupportable, d’un antidouleur susceptible d’abréger la vie. Une même injection létale peut être administrée pour apaiser la douleur, avec la prise consciente du risque d’accélérer la mort, ou dans l’intention de de tuer. Quand l’acte est matériellement le même, c’est l’intention qui fait toute la différence. Et l’enfer, justement est pavé de ces bonnes intentions derrière lesquelles il est aisé de se cacher pour piquer en toute impunité un malade qui n’en finit pas de mourir et d’avoir mal…

La loi de 2005, donc, n’autorisait pas l’euthanasie, mais elle était suffisamment flexible pour qu’au moins 1% des sédations terminales – c’est le chiffre officiel – aient été administrées dans l’intention de tuer. La réforme voulue par Jean Léonetti ne bouleverse pas fondamentalement la loi de 2005 si ce n’est qu’elle voudrait instituer le droit pour les patients de demander cette fameuse sédation terminale.

Mais de la volonté de faire apaiser ces douleurs au suicide par voie médicamenteuse, là encore, il n’y a qu’un pas…

Mal comprise, cette possibilité offerte au patient laisse à penser que donner la mort peut entrer dans le cadre d’une démarche palliative et, plus largement, dans le domaine de compétence du corps médical. Mal comprise encore, elle bouleverse de façon irrémédiable la relation entre patient et soignant, elle rend aussi caduques les sanctions pénales pour non assistance à personne en danger ou pour provocation au suicide. Enfin, elle ne sert pas même l’autonomie que chérissent pourtant les promoteurs de l’euthanasie dès lors que l’injection létale doit être administrée par le personnel soignant, donc par un tiers… Ironie du sort, jusque dans la mort, l’homme est un animal éminemment social.

Adelaide Pouchol

Adelaide Pouchol

Ce contenu pourrait vous intéresser

Société

Nos raisons d’espérer

L’Essentiel de Joël Hautebert | Malgré l’effondrement des repères et la crise des institutions, il demeure des raisons d’espérer. On les trouve dans ces hommes et ces femmes qui, par leurs vertus simples et leur fidélité au devoir d’état, sont capables d’assumer des responsabilités au service du bien commun.

+

espérer vertu
SociétéFin de vie

Euthanasie : « Pierre Simon voulait faire de la vie un matériau à gérer »

Entretien | Alors que le Sénat reporte une nouvelle fois l’examen du projet de loi sur la fin de vie, l’essayiste Charles Vaugirard publie La face cachée du lobby de l’euthanasie (Téqui). En s’appuyant sur les écrits oubliés de Pierre Simon, fondateur de l’ADMD et ancien grand maître de la Grande Loge de France, il dévoile les racines eugénistes et prométhéennes d’une idéologie qui, selon lui, continue d’inspirer les lois bioéthiques contemporaines.

+

euthanasie pierre Simon
SociétéPhilosophie

La logique, un antidote à la crise de la vérité

C’est logique ! – Entretien | Dans son nouvel ouvrage Devenir plus intelligent, c’est possible ! (Le Cerf), François-Marie Portes invite à redécouvrir les outils logiques de la tradition antique et médiévale. Pour lui, apprendre à définir, énoncer et argumenter n’est pas réservé aux spécialistes : c’est un savoir-faire accessible à tous, indispensable pour retrouver le goût de la vérité dans un monde saturé de discours trompeurs. Entretien.

+

penser portes intelligent logique
SociétéLectures

Maurras, pour la Nation, contre le racisme

Entretien | En août, les éditions de Flore publiaient un petit livre d'Axel Tisserand, Maurras, pour la Nation, contre le racisme. À cette occasion, Philippe Maxence s’est entretenu avec l’auteur, agrégé de lettres classiques et docteur en philosophie, au sujet de Charles Maurras (1868-1952).

+

charles maurras racisme nation patrie
SociétéPhilosophie

Le Centre culturel Simone Weil : redonner à la médecine son âme

Entretien | Créé par des professionnels de santé pour leurs confrères, le Centre culturel Simone Weil propose des formations alliant médecine et philosophie. À l’occasion de son séminaire de novembre, il invite praticiens, étudiants et aidants à redécouvrir la vocation profondément humaine et éthique de la médecine face aux défis contemporains. Présentation par François et Marie Lauzanne, pharmaciens et fondateurs du centre.

+

Centre culturel Simone Weil médecine