L’épiphanie, Dieu nous éclaire

Publié le 18 Jan 2019
L'épiphanie, Dieu nous éclaire L'Homme Nouveau

L’Épiphanie ou « manifestation » du Seigneur honore l’apparition de Dieu au milieu des hommes. Durant les trois premiers siècles chrétiens, cette fête commémora la Naissance du Sauveur, mais quand Rome institua le 25 décembre comme jour de Noël, le 6 janvier ne fut pas entièrement déshérité de son antique gloire. Ce jour célébra alors trois manifestations de la gloire du Christ dans la même Épiphanie : les Mages, venus d’Orient sous la conduite de l’étoile pour honorer la Royauté divine de l’Enfant de Bethléem, le Baptême du Christ dans les eaux du Jourdain et enfin le mystère de la puissance divine du Christ transformant l’eau en vin, aux Noces de Cana. Les papes récents ont souvent repris l’usage oriental de baptiser en ce jour, mais ils l’ont réservé aux petits enfants. Saint Jean-Paul II consacra même des évêques, usage qu’utilisèrent très sporadiquement ses deux successeurs.

Alors que Benoît XVI aimait insister en ce jour sur l’humilité des mages qui leur valu de voir Jésus sauveur des hommes, le pape François préfère tout centrer sur le thème de la lumière, car pour lui son symbole éclaire tout. C’est ce qu’il fait encore cette fois. Mais il n’en oublie pas pour autant l’humilité, car il est indéniable que Dieu se manifeste à nous dans la pauvreté et la petitesse. Les grands de ce monde habitent de riches et somptueux palais, mais le Roi de l’Histoire, tout comme son précurseur, s’humilient lorsqu’ils entrent sur la scène du monde. Ce qui est vrai de l’apparition de Jésus est aussi vrai du lieu. Jésus est apparu dans une simple bourgade de Judée et non à Rome, capitale de l’Empire, ni même à Jérusalem la ville sainte. Pourquoi ? Parce que la lumière divine, même si elle illumine tout, ne s’impose jamais. Dieu respecte toujours la liberté humaine, n’éclairant jamais ceux qui brillent de leur propre lumière. Dieu ne s’impose pas. Alors on pressent pour l’homme un danger très grave pour la vie spirituelle : celui de l’illusion et de la confiance en sa propre lumière. Les scribes, comme plus tard lors de la Passion, connaissaient fort bien les Écritures. Ils surent dire où devait naître le Messie, le fils du roi David, mais ils n’allèrent pas à Bethléem. L’orgueil nous fait bien souvent confondre la vraie lumière divine et la fausse lumière humaine et mondaine. Combien de fois ne cherche-t-on pas à briller par notre propre lumière, oubliant que le soleil véritable est le Christ. Nous sommes ou devrions être des témoins de la lumière. Le Pape dit justement que nous sommes la lune qui reflète la lumière. Accueillons donc, comme nous y invite Isaïe, la lumière divine qui n’empêchera pourtant pas de connaître parfois des ténèbres profondes. Nous devons nous élever, comme l’invite la préface de cette fête, nous devons nous dresser debout, nous levant de notre propre sédentarité pour marcher avec Marie vers l’étoile, vers le Christ lumière du monde.

Par le baptême, nous sommes devenus des hommes nouveaux. Revêtons les armures divines, en ne restant pas immobiles. Marchons vers la maison du pain. Bougeons, réveillons-nous. Dévêtons-nous des habits somptueux du vieil homme. Ainsi, nous serons revêtus de lumière après l’avoir trouvée. Une fois celle-ci trouvée, gardons-la dans notre cœur, comme Marie. Prenons pour cela un autre chemin que celui d’Hérode, laissant de côté le vêtement de l’égoïsme, pour devenir, comme saint François d’Assise à la suite des mages, un pèlerin mendiant de Dieu sur les routes du monde, avec les dons des mages : l’or qui met Dieu à la première place, l’encens de la prière et la myrrhe de la Croix.

MESSE EN LA SOLENNITÉ DE L’ÉPIPHANIE DU SEIGNEUR 

CHAPELLE PAPALE

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Basilique vaticane
Dimanche 6 janvier 2019  

Epiphanie : ce mot signifie la manifestation du Seigneur, qui, comme le dit saint Paul dans la deuxième lecture (cf. Ep. 3,6), se révèle à tous les peuples, représentés aujourd’hui par les Mages. Se dévoile ainsi la merveilleuse réalité de Dieu qui est venu pour tous : toutes les nations, langues et peuples sont accueillis par lui et aimés de lui. Le symbole de cela est la lumière qui rejoint et illumine toutes choses.

Maintenant, si notre Dieu se manifeste à tous, il est cependant surprenant de constater de quelle façon il se manifeste. Dans l’Évangile est raconté un va-et-vient autour du palais du roi Hérode, alors même que Jésus est présenté comme roi : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? » (Mt 2,2), demandent les Mages. Ils le trouveront, mais pas là où ils pensaient : non pas dans le palais royal de Jérusalem, mais dans une humble demeure à Bethléem. Le même paradoxe émergeait à Noël, quand l’Évangile parlait du recensement de toute la terre à l’époque de l’empereur Auguste et du gouverneur Quirinius (cf. Lc 2,2). Mais aucun des puissants d’alors n’a réalisé que le Roi de l’histoire était né en leur temps. Et encore, quand Jésus, âgé d’une trentaine d’années, se manifeste publiquement, précédé par Jean le Baptiste, l’Évangile offre une autre présentation solennelle du contexte, en énumérant tous les « grands » d’alors, les pouvoirs séculiers et spirituels : l’empereur Tibère, Ponce Pilate, Hérode, Philippe, Lysanias, les grands prêtres Hanne et Caïphe. Et il conclut : « la Parole de Dieu fut adressée dans le désert à Jean » (Lc3,2). Donc à aucun des grands, mais à un homme qui s’était retiré dans le désert. Voilà la surprise : Dieu ne s’élève pas au-devant de la scène du monde pour se manifester.

En écoutant cette liste de personnages illustres, pourrait surgir la tentation de « tourner les projecteurs » sur eux. Nous pourrions penser : c’eût été meilleur si l’étoile de Jésus était apparue à Rome, sur la colline du Palatin, d’où Auguste régnait sur le monde ; tout l’empire serait devenu immédiatement chrétien. Ou, s’il avait illuminé le palais d’Hérode, celui-ci aurait pu faire le bien, plutôt que le mal. Mais la lumière de Dieu ne va pas chez celui qui brille de sa propre lumière. Dieu se propose, il ne s’impose pas ; il éclaire, mais il n’éblouit pas. C’est toujours une grande tentation de confondre la lumière de Dieu et les lumières du monde. Combien de fois nous avons suivi les éclats séduisants du pouvoir et de la scène, convaincus de rendre un bon service à l’Évangile ! Mais nous avons ainsi détourné les lumières du mauvais côté, parce que Dieu n’était pas là. Sa douce lumière resplendit dans l’amour humble. Combien de fois, en tant qu’Église, nous avons essayé de briller de notre propre lumière ! Mais nous ne sommes pas le soleil de l’humanité. Nous sommes la lune, qui, même avec ses ombres, reflète la lumière véritable, le Seigneur. L’Église est le mysterium lunae et le Seigneur est la lumière du monde (cf. Jn 9,5). Lui, non pas nous.

La lumière de Dieu va chez celui qui l’accueille. Isaïe, dans la première lecture (cf. 60,2) nous rappelle que la lumière divine n’empêche pas les ténèbres et les brumes épaisses de recouvrir la terre, mais qu’elle resplendit en celui qui est disposé à la recevoir. C’est pourquoi le prophète lance une invitation qui interpelle chacun de nous : « Debout, resplendis » (60,1). Il faut se mettre debout, c’est-à-dire se lever de sa propre sédentarité et se disposer à marcher. Autrement on reste immobile, comme les scribes consultés par Hérode, qui savaient bien où devait naître le Messie, mais qui n’ont pas bougé. Et puis il est nécessaire de se revêtir de Dieu qui est la lumière, chaque jour, jusqu’à ce que Jésus devienne notre vêtement quotidien. Mais pour mettre l’habit de Dieu, qui est simple comme la lumière, il faut d’abord se défaire des vêtements somptueux. Autrement on fait comme Hérode qui, à la lumière divine, préférait les lumières terrestres du succès et du pouvoir. Les Mages, au contraire, réalisent la prophétie, ils se lèvent pour être revêtus de lumière. Eux seuls voient l’étoile dans le ciel : ni les scribes, ni Hérode, personne à Jérusalem. Pour trouver Jésus, il faut déterminer un itinéraire différent, il faut prendre une voie alternative, la sienne, la voie de l’amour humble. Et il faut s’y maintenir. En effet l’Évangile de ce jour conclut en disant que les Mages, ayant rencontré Jésus, « regagnèrent leur pays par un autre chemin » (Mt 2, 12). Un autre chemin, différent de celui d’Hérode. Une voie alternative au monde, comme celle suivie par ceux qui à Noël sont avec Jésus : Marie et Joseph, les bergers. Eux, comme les Mages, ont laissé leurs maisons et sont devenus pèlerins sur les chemins de Dieu. Parce que seul celui qui abandonne ses attachements mondains pour se mettre en chemin trouve le mystère de Dieu. 

C’est aussi valable pour nous. Il ne suffit pas de savoir où Jésus est né, comme les scribes, si nous ne rejoignons pas ce où. Quand son où devient le nôtre, que son quand devient notre quand, sa personne notre vie, alors les prophéties s’accomplissent en nous. Alors Jésus naît au-dedans de nous et il devient Dieu vivant pour moi. Aujourd’hui, frères et sœurs, nous sommes invités à imiter les Mages. Ils ne discutent pas, mais ils marchent ; ils ne restent pas à regarder, mais ils entrent dans la maison de Jésus ; ils ne se mettent pas au centre, mais ils se prosternent devant lui qui est le centre ; ils ne se fixent pas sur leurs plans, mais ils se disposent à prendre d’autres chemins. Dans leurs actes, il y a un contact étroit avec le Seigneur, une ouverture radicale à lui, une implication totale en lui. Avec lui, ils utilisent le langage de l’amour, la même langue que Jésus, encore enfant, parle déjà. En effet, les Mages vont chez le Seigneur non pas pour recevoir, mais pour donner. Demandons-nous : à Noël avons-nous porté un cadeau à Jésus, pour sa fête, ou avons-nous échangé des cadeaux seulement entre nous ?

Si nous sommes allés chez le Seigneur les mains vides, aujourd’hui nous pouvons y remédier. L’?Évangile présente, en effet, pour ainsi dire, une petite liste de cadeaux : l’or, l’encens et la myrrhe. L’or, considéré comme l’élément le plus précieux, rappelle qu’à Dieu revient la première place. Il doit être adoré. Mais pour le faire, il est nécessaire de se priver soi-même de la première place et de se reconnaître pauvres, et non pas autosuffisants. Voilà alors l’encens, pour symboliser la relation avec le Seigneur, la prière, qui comme un parfum monte vers Dieu (cf. Ps 141,2). Mais, comme l’encens doit brûler pour parfumer, ainsi faut-il pour la prière « brûler » un peu de temps, le dépenser pour le Seigneur. Et le faire vraiment, pas seulement en paroles. A propos des faits, voici la myrrhe, un onguent qui sera utilisé pour envelopper avec amour le corps de Jésus descendu de la croix (cf. Jn 19,39). Le Seigneur désire que nous prenions soin des corps éprouvés par la souffrance, de sa chair la plus faible, de celui qui est laissé en arrière, de celui qui peut seulement recevoir sans rien donner de matériel en échange. Elle est précieuse aux yeux de Dieu la miséricorde envers celui qui n’a rien à redonner, la gratuité ! Elle est précieuse aux yeux de Dieu la gratuité. En ce temps de Noël qui arrive à sa fin, ne perdons pas l’occasion de faire un beau cadeau à notre Roi, venu pour tous, non pas sur les scènes somptueuses du monde, mais dans la pauvreté lumineuse de Bethléem. Si nous le faisons, sa lumière resplendira sur nous.

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