Après le sens de l’honneur, le père Danziec poursuit sa description des cinq sens à cultiver pour répondre aux défis de l’existence et de son état de vie. Pour notre éditorialiste, le sens des priorités relève de l’élégance morale.
Lors de notre 1er volet, je m’arrêtais sur le sens de l’honneur, premier des cinq sens à cultiver pour conduire chrétiennement son âme. L’honneur, écrivais-je, c’est être intransigeant sur ce que l’on se doit pour mériter le respect de soi, et exiger celui d’autrui. L’honneur, ce n’est pas se rêver quelqu’un, c’est se vouloir fidèle au bréviaire de son état de vie. En effet, j’insistais : chaque baptisé a un rôle inestimable à assumer. Pour tenir ce rôle, cinq sens bien particuliers constituent une sorte de charpente invisible solidifiant notre demeure intérieure. Le sens de l’honneur, le sens des priorités, le sens de l’Eglise, le sens de l’humour et enfin le sens de l’éternité.
Place désormais à une (courte) réflexion sur le 2ème sens : le sens des priorités. Disons-le tout net : cultiver le sens des priorités relève d’abord d’une élégance du cœur. La croissance spirituelle réclame certes de l’ardeur et du courage au regard de notre nature blessée. Elle demande aussi la possession de bonnes manières : ne soyons pas des goujats sur les chemins de la sainteté.
Au volant de son véhicule, griller une priorité n’entraîne pas automatiquement un accident, fort heureusement. Toujours néanmoins, une telle attitude témoignera d’un manque de respect à l’endroit de l’automobiliste se trouvant en face. De même, dans la vie spirituelle, maintenir une vigilance toute appliquée sur le sens des priorités évitera bien des maladresses et tracas. Pour soi-même. Mais aussi vis-à-vis du prochain.
Dans l’ordre de la Création, il existe en effet une hiérarchie des biens. Le soin que nous mettrons à respecter le sens des priorités constitue certainement une marche déterminante pour accéder à l’âge adulte de notre vie de Foi. Un ouvrage de La Varende avait pour titre : « Mon âme à Dieu, ma vie au Roi, mon cœur aux Dames, mon honneur à moi ». La formule n’a pas valeur de sentence évangélique mais l’on comprend tout de même que la vie de l’âme n’a pas vocation à tournoyer sur elle-même pour se perdre mais bien à se fixer un cap et un ordre pour s’exécuter droitement.
Le diable « qui, comme un lion rugissant, rôde autour de nous, cherchant qui il pourra dévorer » (I Pierre 5, 8) s’attache quant à lui, de toutes ses forces, à venir troubler cet ordre. Les fidèles les plus soucieux de leur conduite spirituelle s’évertueront donc de leur côté de façon profitable à protéger coûte que coûte l’équilibre fragile de leur quotidien.
Les marins ne l’ignorent pas : un demi degré d’erreur sur un cap et ce n’est plus le port qui est atteint à l’issue de la course en mer mais bien plutôt les récifs qui menacent. Le sens des priorités maintient l’âme dans une préoccupation rigoureuse de la bonne tenue de ce cap à suivre. Se diriger vers l’essentiel nécessite de se dégager du superficiel qui trouble le cadran.
Pour cultiver le sens des priorités, rappelons-nous que nous avons été créés à l’image de Dieu pour le connaître, l’aimer et le servir. Notre raison d’être pour la connaissance, l’amour et le service de Dieu nécessite alors de considérer attentivement le cadre de notre existence : cadre familial, paroissial, professionnel, associatif… L’articulation de nos différentes paroles, pensées et actions, pour qu’elles nous édifient, ne peut se réaliser sans un certain ordre. Dieu premier servi. Charité bien ordonnée commence par soi-même. Celui qui dit aimer Dieu et n’aime pas son frère est un menteur.
Dieu premier servi. La connaissance de Dieu s’approfondie dans la lecture de vie de saints ou de commentaires des Saintes-Écritures. Dans les temps de silence, la pratique de l’oraison et l’invocation persévérante de son Esprit. Outre la prière, cet amour de Dieu est appelé à s’incarner dans la pratique des sacrements (spécialement l’assistance à la sainte messe et la confession fréquente), l’ascèse et la dévotion mariale (particulièrement la récitation du chapelet).
Charité bien ordonnée commence par soi-même. Au début du Dialogue des carmélites, Bernanos met en scène l’entretien de la supérieure du Carmel avec une jeune et chétive postulante. Pleine de sagesse, la vieille religieuse souffle comme conseil à la jeune fille : « Surtout, ne vous méprisez jamais. Il est très difficile de se mépriser sans offenser Dieu en nous… ». Oui, ne s’aimer pas risque de nous priver de faire l’expérience de l’amour de Dieu.
Assurément, l’amour de soi que nous demande le Seigneur n’a rien à voir avec le plaisir narcissique d’un Youtubeur qui se regarde et se repaît de lui-même. Le juste amour consiste à s’aimer avec le cœur même de Dieu, à se voir dans les yeux de son divin amour.
Celui qui dit aimer Dieu et n’aime pas son frère est un menteur. L’amour de soi en effet est appelé à se prolonger dans l’amour du prochain, à commencer par son prochain. Selon une formule restée célébre : « Je préfère mes filles à mes cousines, mes cousines à mes voisines, mes voisines à des inconnues, des inconnus à mes ennemis… ». Servir Dieu s’accomplit le plus souvent dans le service des autres. Rendre service pique toujours ! C’est là son charme et son mérite. Le service fait partie de l’ascèse chrétienne. Il est un lieu de purgation de nos fautes passées. Il est aussi le lieu de la joie de donner l’exemple et celui d’une fierté bien placée.
Le sens des priorités, en remettant Dieu à la première place, nous permet de mieux saisir quelle doit être la nôtre. Dans la vie spirituelle, la priorité à droite n’existe pas. Seule compte la priorité à Dieu. De là découlera seulement une droite organisation de notre quotidien. À bon entendeur !
Retrouvez tous les articles sur les cinq sens du chrétien :
- le sens de l’honneur (1/5)
- le sens des priorités (2/5)
- le sens de l’Église (3/5)
- le sens de l’humour (4/5)
- le sens de l’éternité (5/5)
>> à lire également : Synode romain : un premier bilan