Comme à son habitude le Pape a élevé au sacerdoce plusieurs diacres de son diocèse le 7 mai dernier. C’est pour nous certainement l’occasion de réfléchir sur la grandeur du prêtre que l’on ne comprendra qu’au Ciel, comme le disait le saint Curé d’Ars. Notre époque sécularisée oublie hélas trop souvent cette vérité première : nous avons besoin de prêtres, car il n’y a pas de Rédemption sans sang et le prêtre seul, homme validement consacré, peut rendre présent sacramentellement le Sacrifice du Golgotha, car, comme le soulignait Jean-Paul II au tout début de son pontificat, « aller à la Messe, c’est aller au Calvaire, pour y rencontrer son Rédempteur ». En outre, le prêtre est le seul à pouvoir remettre les péchés dans le sacrement de la Pénitence. Une ordination sacerdotale doit donc toujours être une source de grande joie pour l’Église. On entend quelques fois une objection contre cette vérité : dans le Nouveau Testament il n’y a qu’un prêtre, le Christ, et tous les baptisés participent à cet unique sacerdoce. Pourquoi dès lors distinguer entre le sacerdoce commun des baptisés et le sacerdoce presbytéral ? Telle n’est pourtant pas la pensée du Christ qui institua le Sacrement de l’Ordre en même temps que celui de l’Eucharistie le Jeudi-Saint, ni celle de l’Église, comme l’a rappelé entre autre le dernier concile (LG n. 11).
Continuateurs de l’œuvre du Christ
De fait, s’il est bien vrai que tout le peuple de Dieu est sacerdotal, il n’en reste pas moins vrai, rappelle le Pape, que le Seigneur a choisi lui-même des hommes, pris du milieu des hommes, pour être dans son Église les continuateurs de son œuvre sacramentelle et rédemptrice, sa mission de service, en un mot sa mission de prêtre, de prophète et de roi : « Faites cela en mémoire de moi ». Et c’est par les évêques qu’un tel pouvoir est transmis aux nouveaux prêtres lors de leur ordination. Configuré au Christ Souverain et éternel prêtre, le nouvel ordonné devient prêtre de la nouvelle alliance en participant d’une façon toute particulière à l’unique sacerdoce du Christ et à sa triple mission. Il devient ainsi prédicateur de l’Évangile, pasteur du peuple de Dieu et il préside au culte de la nouvelle Alliance en étant le seul à pouvoir conférer certains sacrements, spécialement ceux de l’Eucharistie et de pénitence.
Pour ce faire, le prêtre doit être un homme de doctrine. Le Pape l’invite à soigner ses homélies qui ne doivent pas être trop longues ou trop élaborées intellectuellement, mais porter directement à la conversion en touchant les cœurs des auditeurs. De bonnes homélies ne suffisent pourtant pas : le prêtre devra toujours aussi vivre ce qu’il prêche. De plus, il ne pourra jamais faire abstraction de la Croix qui sera toujours une pierre d’achoppement et un signe de contradiction. On se souvient que dès le premier jour de son pontificat suprême, le Pape avait dit, en citant Léon Bloy : « Celui qui n’évangélise pas la Croix du Christ, évangélise le diable ». Comme à son accoutumée, le Pape insiste sur le sacrement de pénitence, en demandant aux nouveaux prêtres d’être des instruments de miséricorde, ce qui ne veut pas dire de laxisme, et non de torture, en se souvenant que l’hypocrisie est la pire des choses pour un prêtre. Le meilleur remède à cette dernière demeure la joie qui est fruit de la charité et qui conduit à la sainteté, car plus que jamais la demande de Dieu à son peuple : « Soyez saints, parce que je suis saint », vaut pour le prêtre. Marie, donnez-nous des prêtres, donnez-nous beaucoup de prêtres, mais surtout donnez-nous des saints prêtres.
L’homélie du Pape
Très chers frères,
Nos fils ont été appelés à l’ordre du sacerdoce. Réfléchissons à quel ministère ils seront élevés dans l’Église. Comme vous le savez bien, mes frères, le Seigneur Jésus est le seul prêtre suprême du Nouveau Testament, mais en Lui, tout le peuple saint de Dieu également a été constitué comme peuple sacerdotal. Il n’en reste pas moins que parmi tous ses disciples, le Seigneur Jésus veut en choisir certains en particulier, afin que, exerçant publiquement en son nom dans l’Église la charge sacerdotale en faveur de tous les hommes, ils continuent sa mission personnelle de maître, prêtre et pasteur. Ils ont été élus par le Seigneur Jésus non pas pour faire carrière, mais pour accomplir ce service.
De même, en effet, qu’il avait été envoyé par le Père pour cela, ainsi, il envoya à son tour dans le monde d’abord les apôtres, puis les évêques et leurs successeurs, auxquels furent donnés enfin comme collaborateurs les prêtres qui, unis à eux dans le ministère sacerdotal, sont appelés au service du peuple de Dieu.
Après une mûre réflexion et prière, nous sommes à présent sur le point d’élever nos frères à l’ordre des prêtres, afin qu’au service du Christ, maître, prêtre, pasteur, ils coopèrent en vue d’édifier le Corps du Christ qui est l’Église dans le Peuple de Dieu et Temple saint de l’Esprit Saint.
Ils seront en effet configurés au Christ prêtre suprême et éternel, ils seront consacrés comme de véritables prêtres du Nouveau Testament, et à ce titre, qui les unit dans le sacerdoce à leur évêque, ils seront prédicateurs de l’Évangile, pasteurs du Peuple de Dieu, et ils présideront les actes de culte, en particulier dans la célébration du sacrifice du Seigneur.
Lire et enseigner la Parole du Seigneur
Quant à vous, fils et frères bien-aimés, qui allez être promus à l’ordre du sacerdoce, considérez qu’en exerçant le ministère de la doctrine sacrée, vous participerez à la mission du Christ, unique maître. Dispensez à tous la Parole de Dieu, que vous avez vous-mêmes reçue avec joie lorsque vous étiez enfants. Lisez et méditez assidûment la Parole du Seigneur pour croire ce que vous avez lu, enseigner ce que vous avez appris dans la foi, vivre ce que vous avez enseigné.
Que votre doctrine simple, comme disait le Seigneur, qui arrivait au cœur, soit donc une nourriture pour le Peuple de Dieu. Ne faites pas des homélies trop intellectuelles et élaborées : parlez simplement, parlez aux cœurs. Et cette prédication sera une véritable nourriture. Et que le parfum de votre vie soit une joie et un soutien pour les fidèles, parce que la parole sans l’exemple de la vie ne sert pas, il vaut mieux revenir en arrière. La double vie est une terrible maladie dans l’Église. Vous continuerez l’œuvre sanctificatrice du Christ. À travers votre ministère, le sacrifice spirituel des fidèles est rendu parfait, parce qu’uni au sacrifice du Christ qui, à travers vos mains, au nom de toute l’Église, est offert sans effusion de sang sur l’autel au cours de la célébration des saints mystères.
Reconnaissez donc ce que vous faites. Imitez ce que vous célébrez afin que, en participant au mystère de la mort et de la résurrection du Seigneur, vous apportiez la mort du Christ dans vos membres et que vous marchiez avec lui dans une nouveauté de vie. Un prêtre qui a étudié peut-être beaucoup la théologie, et qui a obtenu une, deux, trois maîtrises, mais qui n’a pas appris à porter la Croix du Christ, ne sert pas. Ce sera un bon universitaire, un bon professeur, mais pas un prêtre.
Dispenser les sacrements
Avec le baptême, vous ajouterez de nouveaux fidèles au Peuple de Dieu. Avec le sacrement de la pénitence, vous remettrez les péchés au nom du Christ et de l’Église. S’il vous plaît, je vous demande au nom du Christ et de l’Église d’être toujours miséricordieux ; de ne pas charger sur les épaules des fidèles des poids que ni eux, ni vous, ne peuvent porter. Jésus réprimanda pour cela les docteurs de la loi et les appela hypocrites. Avec l’huile sainte, vous soulagerez les malades. L’un des devoirs – sans doute ennuyeux, même douloureux – est d’aller rendre visite aux malades. Mais faites-le. Oui, il est bon que les fidèles laïcs, les diacres s’y rendent, mais ne manquez pas de toucher la chair du Christ souffrant dans les malades : cela vous sanctifie, vous rapproche du Christ. En célébrant les rites sacrés et en élevant aux diverses heures du jour la prière de louange et de supplique, vous deviendrez la voix du Peuple de Dieu et de l’humanité tout entière.
Conscients d’avoir été choisis parmi les hommes et constitués en leur faveur pour vous occuper des choses de Dieu, exercez dans la joie et la charité sincère l’œuvre sacerdotale du Christ. Soyez joyeux, jamais tristes. Joyeux. Avec la joie du service du Christ, même au milieu des souffrances, des incompréhensions et de vos propres péchés. Ayez toujours devant les yeux l’exemple du Bon Pasteur, qui n’est pas venu pour être servi, mais pour servir. S’il vous plaît, ne soyez pas des « seigneurs », ne soyez pas des « clercs d’État », mais des pasteurs, des pasteurs du Peuple de Dieu.
