L’Homme Nouveau est-il d’extrême-droite ?

Publié le 21 Juin 2023
L'Homme Nouveau

Les événements d’Annecy ont été largement commentés dans la presse et les réseaux sociaux. Après avoir salué spontanément le geste d’Henri, beaucoup ont été dérangés par son discours. Ils ont voulu en savoir plus et découvrir les éventuelles accointances du jeune homme, notamment avec L’Homme Nouveau.

 

Fidèle à ce que nous sommes, à notre souci de ne pas participer à la « société du spectacle », à prendre du recul et à recueillir les éléments nécessaires à une véritable analyse, L’Homme Nouveau n’a rien dit ou presque.

 

Pourtant, la vie d’Henri a déjà croisé celle de L’Homme Nouveau. Mais ce n’était pas une raison suffisante pour être vautour parmi les vautours. Pour discréditer Henri, certains, journalistes ou non, n’ont rien trouvé de mieux d’associer Henri à L’Homme Nouveau.

 

Le syllogisme mis en avant est assez simple (simpliste ?) :

Henri a travaillé à L’Homme Nouveau ; or L’Homme Nouveau est d’extrême droite ; donc Henri est d’extrême droite.

Comme on le voit tout repose sur la mineure et donc nous concerne.

 

On pourrait d’ailleurs proposer d’autres syllogismes, aussi « baroques », du style :

Henri a vu la lune ; or la lune est un astre ; donc Henri est un astre…

 

Trêve de plaisanterie. En ce qui nous concerne, la question reste entière : L’Homme Nouveau est-il d’extrême droite ? On peut se demander si parmi ceux qui portent cette accusation certains ont lu au moins un numéro de L’Homme Nouveau ? S’ils ont pris contact avec nous ? S’ils se sont renseigné sur son histoire ?

 

À l’origine de L’Homme Nouveau : le père Fillère

Arrêtons-nous à cet aspect : L’Homme Nouveau a été fondé en 1946 à l’initiative d’un prêtre, le père Marcellin Fillère. À l’origine, L’Homme Nouveau s’appelle… Humanité nouvelle et l’un de ses buts était de répondre aux tentatives de séductions des catholiques menées par les communistes, au sortir de la Seconde Guerre mondiale et des combats dans la résistance.

 

La frilosité de l’archevêché de Paris conduisit les fondateurs à remplacer Humanité nouvelle par L’Homme Nouveau, aux accents plus pauliniens. Cet Homme Nouveau, en effet, ne faisait pas référence aux différents constructivismes totalitaires visant à faire un « homme nouveau » (fasciste, nazi ou communiste) mais à resplendir davantage de la vérité du Christ.

 

Mais, au fait, qui était le père Fillère ? Il se trouve qu’à destination des journalistes ignorants (et pour certains d’entre eux incultes), il existe deux ouvrages sur cette figure. Le premier, Le Père Fillère, nostalgie du futur, a été écrit par des disciples et retrace l’existence de ce prêtre hors du commun.

 

L’autre, Le Père Fillère ou la passion de l’Unité, est l’œuvre de l’historien Yves Chiron. Publié en 2011, préfacé par Émile Poulat, ce livre est toujours disponible sur notre boutique .

 

Pour les journalistes ignorants (et pour certains d’entre eux, incultes) précisons qu’Émile Poulat n’est pas le nom d’un chef fasciste, d’un collaborateur français ou d’un journaliste de Je suis partout. Décédé en 2014, Émile Poulat est un spécialiste de l’histoire de l’Église, un chercheur et l’auteur d’une quarantaine d’ouvrages souvent de référence. Émile Poulat fut souvent consulté par les plus hautes instances religieuses et laïcs.

 

Avant cette période, Émile Poulat fut prêtre-ouvrier et dans la dernière période de son existence, il fut proche de la communauté Sant’ Egidio. Pas vraiment l’extrême-droite de l’Église.

 

Dans sa préface au livre d’Yves Chiron, Émile Poulat décrivait le père Fillère comme « une figure inoubliable et, en toute hypothèse, exceptionnelle, voire un personnage hors norme, à la fois grand pédagogue et grand visionnaire, poussé par une foi chrétienne intense et démonstrative ».

 

Pendant la Seconde Guerre mondiale, le père Fillère fut l’un des organisateurs de la diffusion clandestine des émissions de Radio-Vatican pour contrer l’interdiction et la propagande nazie.

 

Histoire de L’Homme nouveau : Marcel Clément

Encore un peu d’histoire ? En 1962, Marcel Clément devient rédacteur en chef de L’Homme Nouveau. Jusqu’en 1998, il ne cesse de gravir les échelons jusqu’à devenir président directeur général des Éditions de L’Homme Nouveau et d’imprimer profondément sa marque sur L’Homme Nouveau.

 

Pendant la Seconde Guerre mondiale, Marcel Clément refuse le Service du travail obligatoire (STO) et rejoint la résistance dans l’équipe de Raymond Marcellin. En 1944, il rédige le Rapport au gouvernement provisoire sur le coût de l’Occupation allemande en France pendant les années 40-44.

 

En 1945, Marcel Clément était secrétaire adjoint de la Commission française des réparations et auteur du rapport au gouvernement sur la déportation de la main-d’œuvre française, un rapport commencé dans la clandestinité.

 

Toujours en 1945, Marcel Clément part pour l’Indochine missionné par le gouvernement français pour établir le coût de l’occupation japonaise et représente la France au traité de Paix des USA avec le Japon. Il est par ailleurs membre du cabinet de l’amiral d’Argenlieu, un proche de De Gaulle.

 

En 1957, Marcel Clément publie une vaste Enquête sur le nationalisme qui est constituée, en ce qui concerne sa propre contribution, par une critique serrée du nationalisme à l’aune de la philosophie de saint Thomas et de la pensée de Pie XII.

 

En 1993, son fils, le député Pascal Clément devient ministre délégué aux Relations avec l’Assemblée nationale, dans le gouvernement Balladur puis Garde des Sceaux dans le gouvernement Villepin en 2005. On fait mieux pour un pedigree d’extrême-droite.

 

Revenons un instant à L’Homme Nouveau et son équipe, trop jeune pour avoir connu non seulement les affres de la Seconde Guerre mondiale mais même les engagements liés à la Guerre d’Algérie ou les soubresauts politiques de l’après mai 1968.

 

L’Homme Nouveau, aujourd’hui

Et, aujourd’hui ? Fidèle à ses fondateurs et à ses devanciers, L’Homme Nouveau continue sa route dans le nouveau contexte du XXIe siècle. Organe totalement indépendant, ne dépendant que de ses lecteurs (une particularité dans la presse catholique), nous publions aujourd’hui un magazine bimensuel, des hors-séries, une Lettre mensuelle sur la doctrine sociale de l’Église, des livres et produisons une émission hebdomadaire, Le Club des Hommes en noir ainsi que des podcasts. Notre grille d’analyse : pas les idéologies séculières mais la doctrine catholique et la philosophie classique. Pas trop dans l’air du temps.

 

Mais justement, l’extrême-droite c’est aussi dans l’air du temps. Et c’est surtout un concept flou, arme par destination pour déstabiliser et décrédibiliser son adversaire. Si on souhaite réfléchir en dehors des mots-valises sans lien avec le réel, on peut toujours lire L’Homme Nouveau…

Philippe Maxence

Philippe Maxence

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