Gérard Authier a publié en 2022 Moi, « Bob », curé de Saint-Frusquin aux Presses de la Délivrance. Par cet ouvrage mêlant essai et roman, il tente d’expliquer l’effondrement de l’Église à partir du XXe siècle, accéléré après Vatican II.
« Comment a-t-on pu en arriver là ? » C’est la question que s’est posée Gérard Authier, et à laquelle il a tenté de répondre dans son dernier ouvrage Moi, « Bob », curé de Saint-Frusquin paru en 2022 aux Presses de la Délivrance. Le récit s’attache à expliquer les raisons et les racines de la crise qui a secoué et secoue encore l’Église catholique, plus particulièrement en France, en mêlant essai et roman.
Après être passé dans un lycée catholique, sur demande de sa mère, Robert étudie la philosophie. Peu intéressé par la foi, il est cependant contacté par les communistes pour entrer au séminaire et infiltrer l’Église catholique. Le but étant de briguer les postes clés de la hiérarchie, pousser toutes les réformes possibles et les appliquer en paroisse.
À partir de là, le lecteur suit son parcours et celui de certains de ses confrères prêtres ou évêques. Si Robert est un « faux prêtre » dès le début, ceux qui évoluent à ses côtés ont reçu un appel, ont eu une vraie foi, ont voulu se battre pour la société, mais le socialisme les a rattrapés, de même que la désobéissance et la perversion.
En quinze chapitres datés et thématisés (« 1970 : La pastorale ardente »), Gérard Authier relate donc la vie sacerdotale et déviante de ces prêtres, à partir de leur ordination dans les années 60-70 jusqu’à 2016, année de décès de la plupart d’entre eux. Dans les premiers chapitres, l’explication historico-sociale est suivie d’une sorte de mise en application dans un aspect de la vie de Robert ou des autres prêtres et évêques. Par la suite, le roman prend toute la place pour laisser parler les personnages, et tirer les conclusions de cette crise à partir du récit.
Selon Gérard Authier, il faut situer le début de la crise au début du siècle dernier, au moment du déchaînement anticlérical en France, insufflé par les libres penseurs et les marxistes, et mené habilement par la Franc-maçonnerie. Malgré la réconciliation opérée dans les tranchées par la Première Guerre mondiale, l’Église poursuit elle-même sa destruction en supprimant ce qui fonctionnait, en particulier le patronage des grands, pour se rapprocher de ceux qui s’éloignaient.
À partir de Mai 68, la charité, vertu théologale, est remplacée par la solidarité, et la Doctrine Sociale de l’Église, pourtant récemment mise en avant dans Populorum Progressio (1967), par le socialisme. L’auteur consacre d’ailleurs un chapitre entier aux prêtres ouvriers, dans lequel l’un deux, déçu par la Mission de Paris (1943) et la trahison de ses promesses, affirme que 60% des prêtres ouvriers ont perdu la foi. La volonté de coller parfaitement au profil ouvrier en a même conduit certains à vouloir se marier pour en être véritablement.
Cette question du mariage revient aussi régulièrement dans le récit. Chaque fois, en effet, que Robert ou un autre prêtre cherche à remodeler l’un de ses confrères pour l’adapter à ce modernisme de l’Église, le jeune prêtre succombe. C’est le cas de Georges, qui finit par se marier, puis divorcer avant de se remarier. C’est l’occasion de rappeler (dans « 1990 : Liturgie pour le temps qui passe ») que les séminaires ayant perdu toute consistance et dogmatisme dans leurs enseignements, les jeunes prêtres ne sont pas préparés à la vie de paroisse, y compris le contact quotidien avec des femmes.
C’est ainsi que certains séminaristes ayant reçu un véritable appel de Dieu choisissent de quitter le séminaire, tandis que d’autres poursuivent leur formation « d’éducateur social », avant de se voir refuser la prêtrise en raison de leur traditionalisme. On ne prie d’ailleurs plus pour recevoir des vocations du Ciel, mais on déniche les jeunes que l’on pourra former et modeler.
L’auteur aborde les notions de messe et de liturgie que l’on connait bien, déplorant la relégation du Saint Sacrement, les credo remodelés qui n’engagent personne, le « dépouillement extrême jusqu’à l’indigence » (p 132), et ces célébrant qui remontent l’allée « les bras ballants faisant de temps en temps des petits signes amicaux aux fidèles comme s’ils ne les avaient pas vus depuis des siècles. »
Les évêques et les prêtres n’ont plus autorité dans leurs églises, mais toute décision doit être prise par les commissions de laïcs n’ayant pourtant pas reçu la même formation. C’est la « réunionite » qui semble gangréner les institutions depuis 1789 (chapitre IX, p107). Et la messe devient une autocélébration par les prêtres et les laïcs, qui en oublient la présence réelle, s’ils y croyaient.
À partir du chapitre XII jusqu’au chapitre XV, Gérard Authier s’attarde longuement sur ce mal de la pédophilie qui gangrène une partie du clergé depuis les années 70. Il semble qu’il n’y ait aucune plainte remontant à avant 1970, ce qui lui permet d’affirmer que la libération de Mai 68 n’y est pas étrangère, et que cela n’a pas toujours fait partie de l’Église comme pourraient dire certains.
Homosexuel vivant dans le péché depuis l’adolescence, Robert est condamné en 1996 pour pédophilie, drogue et autres motifs à caractère sexuel. Dans le dernier chapitre portant sur l’espérance, l’auteur rappelle que les prêtres pédophiles sont des contre-témoignages pour l’Église et qu’ils ne peuvent rester dans la prêtrise, il y a là incompatibilité avec le fait de célébrer l’Eucharistie.
Malgré tout Robert a réussi sa mission de sape de l’Église, qui n’a d’ailleurs plus besoin de lui pour s’autodétruire. Mais en 2010, le « quarteron de prêtres en retraite » est conscient que la génération 68 sera rapidement remplacée et oubliée, et que déjà, l’Église renaît, une génération à peine après.
Le narrateur semble parfois nous décrire des personnages caricaturaux et accumulant toutes les tares, mais Gérard Authier a insisté à plusieurs reprises lors d’entretiens, que tout était bien et malheureusement réel. Les caractères sont basés sur des prêtres ayant existé, et des lecteurs eux-mêmes se sont adressés à l’auteur pour lui confirmer avoir connu des clercs de ce type, voire même été l’un d’eux.
Si le profil de communiste infiltré dans le séminaire puis l’Église ne faisait pas partie du vrai Robert, cette pratique a bien sûr existé. Elle a d’ailleurs été mise en avant dès 1972 par Marie Carré dans ES-1025 ou les mémoires d’un anti-apôtre. Ce livre a été réédité à plusieurs reprises, et dernièrement par les éditions de Chiré en 2018.
Moi, « Bob », curé de Saint-Frusquin apporte un regard différent sur la crise qui frappe l’Église et les multiples raisons et conséquences que cela engendre encore aujourd’hui. On regrette cependant les quelques coquilles et fautes d’orthographe qui se sont glissées d’emblée sur les couvertures et à l’intérieur du texte.
C’est un livre que l’on se gardera bien toutefois de mettre entre les mains des adolescents, au vu de certains dialogues et descriptions plutôt crus. Bien que cela permette d’éclairer le lecteur sur la réalité des choses, et de dénoncer explicitement certaines pratiques malheureusement existantes dans le clergé depuis les années 70.
Moi, « Bob », curé de Saint-Frusquin. Histoire d’une crise, Gérard Authier, Presse de la Délivrance, 2022, 212 p., 19,50€.
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