Mort par omission

Publié le 17 Mai 2013
Mort par omission L'Homme Nouveau

Plongé depuis cinq ans dans le coma suite à un accident de la route, Vincent Lambert, du haut de ses 37 ans et du fond de son lit d’hôpital au CHU Sébastopol de Reims, a relancé le débat sur l’euthanasie. Une histoire dont les médias auraient bien voulu s’emparer, la situation était idéale, celle tragique d’une personne désormais condamnée à une vie jugée insupportable, une femme et une sœur convaincues de devoir le « laisser partir » par amour et des médecins ayant jugé, collégialement et selon les termes prévus par la loi, que le cas dudit patient permettait d’accélérer la venue de la mort.

L’affaire a été rapportée par Jeanne Smits, directrice de Présent, sur son blogue http://leblogdejeannesmits.blogspot.fr, révélant par la même occasion qu’une forme d’euthanasie par omission est pratiquée dans l’hexagone en toute impunité.

Vincent Lambert allait-il être le nouveau Vincent Humbert ? Une autre Chantal Sébire ? Il s’en est fallu de peu pour cet homme plongé dans un coma pauci-relationnel, comprenez à même d’entretenir une forme de relation minimale, de ressentir aussi émotions et douleur. La décision collégiale avait été prise par les médecins et la femme de Vincent Lambert le 8 avril d’arrêter l’alimentation et l’hydratation du patient, une manière de le laisser mourir à petit feu sans recourir à l’injection létale encore – pour combien de temps ? – interdite en France. Parce que mourir de faim et de soif, en revanche, est légal depuis que la Loi Leonetti de 2005 autorise à considérer l’alimentation et l’hydratation comme des traitements médicaux plutôt que des soins. Alors que d’aucuns croient encore qu’avoir un toit et manger à sa faim est un droit inhérent à tout homme, le législateur en a décidé autrement. Paradoxalement, l’eau et la nourriture ne sont pas encore remboursées par la Sécurité sociale…

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Les médecins avaient, le 5 avril, vaguement informé la mère de Vincent de la décision qu’ils comptaient prendre et l’ont mise en œuvre sans plus de cérémonie le 10 avril jusqu’à ce que l’un des frères du malade découvre que ce dernier n’était plus nourri ni hydraté. Le 25 avril, la mère se rendait sur place pour s’opposer à la décision qui avait été prise et dont elle n’avait pas été informée…

Le 11 mai, Maître Jérôme Triomphe, avocat des parents de Vincent Lambert, plaidait un référé-liberté contre cette mise à mort volontaire devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne. Suite à quoi le juge des référés, Mme Catherine Monbrun, a ordonné que Vincent Lambert soit à nouveau hydraté et alimenté, soins jugés par l’équipe médicale comme « inutiles, disproportionnels et ayant comme seul effet le maintien artificiel de la vie ». Ont ainsi été reconnus et affirmés le droit du patient à la vie et le droit pour ses proches de s’opposer à ce qu’on lui donne la mort.

Maître Triomphe a argué du non-respect de la procédure qui avait valu aux parents de Vincent Lambert de n’être pas mis au courant de la décision prise par les médecins. Faut-il pour autant, comme l’a expliqué le Docteur Didier Sicard, chargé par le gouvernement de rédiger un rapport sur la fin de vie, considérer que cette affaire ne pose pas la question de l’euthanasie ? « Ça n’a rien à voir avec le débat actuel sur l’euthanasie. C’est une situation très fréquente. Quand plusieurs personnes de la famille ont un avis différent et que la personne n’a pas exprimé une directive anticipée, le droit a tendance à protéger plutôt la personne qui demande le maintien en vie, même si c’est déraisonnable ». L’esquive est un peu facile. La question de la procédure n’enlève rien à la gravité du sujet et, si vice de procédure il y a, c’est justement parce que la question de la fin de vie de Vincent Lambert n’était pas résolue au sein même de sa propre famille. Procédure ou non, il est avéré que Vincent est capable de pleurer et de sourire, lui que certains qualifient de « légume », lui dont la vie ne vaudrait plus la peine d’être vécue.

Le combat pour l’euthanasie apparaît dans toute son horreur, celui au nom duquel des gens vivants et en bonne santé, voudraient forcer les malades à accepter leur compassion et la piqûre fatale par la même occasion. Combat au nom duquel, sous couvert de donner un ultime droit au malade, on donne en réalité un pouvoir immense au personnel médical. Le droit, la liberté et l’égalité ont bon dos…

 » On s’étonnerait presque que les militants du désarmement des malades en combat pour leur survie, ne les présentent pas, unis derrières leurs infirmières brandissant des seringues tricolores, pour réclamer, juchés sur des barricades de lits renversés et de poubelles de pansements nosocomiaux, le droit d’être piqués. Comme si aux jeux parolympiques tragiques de la maladie, le but de chaque participant était de mourir avec une longueur d’avance et non pas de tenir quelques heures de printemps de plus « , écrit sans complaisance Jean-Claude Martinez dans Euthanasie, stade suprême du capitalisme (Éd. Via Romana). Les bien-pensants ne s’occupent pas seulement de revendiquer leurs propres droits, ils s’occupent aussi de revendiquer ceux des autres… Jusqu’à ce que mort s’ensuive…

Adelaide Pouchol

Adelaide Pouchol

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