À quelques heures de Noël, la rédaction vous propose une page culture, avec le dernier CD des petits chanteurs de Saint Joseph des Carmes, et un choix de quelques livres spirituels. À retrouver dans le n°1797.
Le CD
Hodie, Petits chanteurs de Saint Joseph des Carmes
Tous les deux ans les élèves du pensionnat Saint-Joseph des Carmes dans l’Aude enregistrent un disque. Celui-ci est leur sixième, et comme pour le précédent, il s’agit d’un recueil de chants de Noël. Son titre, Hodie, est une référence à l’évangile de la Nativité : « Il vous est né aujourd’hui un Sauveur ! » Le directeur des petits chanteurs, l’abbé Péron, s’est adjoint pour cet enregistrement le concours de Jean-François Sciau, pour un résultat remarquable.
On y trouve une nouvelle moisson de délicieux noëls, des chants traditionnels des régions de France (dont un méconnu La Noël passée, du temps du bon roi Henri IV), quelques polyphonies latines (Gaudet Chorus Coelestium de Marcello, Pueri Concinite de Van Herbeck, Memento Salutis Auctor de Byrd), et une pièce inédite de l’organiste Philippe Pernet. Nous y trouvons aussi le noël ukrainien Chedra, chedra, une composition de Mykola Leontovych (1877-1921) qui date de 1916, fameuse aux États-Unis sous le titre Carol of the bells.
L’ensemble permet de découvrir les voix cristallines des petits choristes, mises en valeur par la splendeur des grandes orgues (le disque se conclut par un noël de Daquin, Adam fut un pauvre homme), par l’exceptionnelle acoustique de l’église de Laroque-d’Olmes en Ariège, et par la belle expressivité des cordes – violoncelle et violon.
Hodie, Petits chanteurs de Saint Joseph des Carmes, 1 CD, 13 €.
Benoît Sénéchal
La correspondance
Correspondance, Pierre de Bérulle
Le volume XIII des Œuvres complètes du cardinal Pierre de Bérulle achève cette publication en s’intéressant à sa correspondance, et plus exactement à celle des années allant de janvier 1628 à sa mort en 1629. Au total, 371 lettres, dont 91 inédites, qu’il a fallu retrouver, déchiffrer et restituer dans le cadre de ce travail scientifique de longue haleine, réalisé par Blandine Delahaye. Un travail d’autant plus ardu que plusieurs de ces missives étaient chiffrées. Dans sa correspondance avec Richelieu, Bérulle utilise des subterfuges pour évoquer certains personnages. Le roi Louis XIII est ainsi nommé tour à tour Le Chesne, Castor, Pollux, Iris ou Maître.
Bérulle est, en effet, au cœur de la vie religieuse et politique de son époque. Il est le fondateur de la Société de l’Oratoire en France mais aussi l’introducteur du Carmel selon la réforme de sainte Thérèse d’Avila. En lien avec le pape Urbain VIII, il travaille à la réforme de l’Église en France et, vieillissant et malade, fait savoir au souverain pontife son désir de ne pas être évêque. Il est aussi au centre de la vie politique, proche puis rival de Richelieu. Sa correspondance publiée ici reflète tous ces aspects, à découvrir au long de lettres annotées et introduites comme il se doit.
Correspondance, Pierre de Bérulle, Oratoire de Jésus/Le Cerf, 712 p., 39 €.
Aliette Bernard
Le Cahier
Sainte Catherine de Sienne, Les Cahiers Saint-Dominique
La situation politique, religieuse, sociale est bien sombre en ce XIVe siècle en Italie et dans le monde. C’est dans ce climat que naît Catherine, vingt-quatrième enfant des Benincasa. Dans ses Dialogues, elle retranscrit les plaintes de Dieu lui-même devant l’infidélité de ses consacrés. Armée de cette connaissance précise de l’état de la Chrétienté et de l’Église, Catherine, après plusieurs années de prières et de pénitence, se dévoue aux pauvres avant de s’adresser directement aux puissants de ce monde, séculiers ou religieux. Trois grands projets lui tiennent à cœur : le retour du Pape à Rome, le lancement d’une croisade et la réforme de la vie religieuse.
Ce nouveau Cahier Saint Dominique présente la vie mais surtout l’âme et le caractère exceptionnel de la Siennoise. Sainte épouse du Christ, armée de l’obéissance, elle tâchera de transmettre la vérité sur Dieu, et la vérité sur l’homme qu’elle reçoit du Christ. « Plus qu’une doctrine spéculative, son message fut une vie, et une vie offerte. Sa lumière et son sang n’ont rien perdu de leur fécondité. »
Sainte Catherine de Sienne, Les Cahiers Saint-Dominique, Éditions du Saint-Nom, 144 p., 14 €.
Agnès Cotton
La religion
Chercher Dieu dans sa Parole, Dom Guy-Marie Oury
Voici un petit livre qu’il ne faut pas hésiter à offrir ou à s’offrir. De quoi parle-t-il ? De l’essentiel : Dieu, dans ce lien direct et spirituel avec lui, à travers ce que la tradition monastique et les siècles ont appelé la lectio divina. « Le but de lalectio, explique dom Oury, c’est d’entrer en relation avec la source de vie pour changer et transfigurer notre vie, c’est d’être conduit de clarté en clarté jusqu’au plein jour de la Révélation de Jésus-Christ. » Il ne s’agit pas tant de lire pour acquérir des connaissances que de se laisser pénétrer par la Parole même de Dieu qui s’exprime dans les Saintes Écritures. Le but ultime consiste bien à « connaître pour aimer ».
Une fois posés les jalons de la lectio, l’auteur s’intéresse à sa place dans l’Histoire, à la situation particulière des Pères de l’Église ou encore au rapport entre formation doctrinale et lectio. À une époque marquée par l’individualisme, ce chapitre paraît essentiel. « Le danger est réel, écrit l’auteur, d’une lecture spirituelle se diluant en étude forcenée, et à l’inverse d’une lecture spirituelle sans contenu doctrinal ou théologique, se dispersant sur des objets sans valeur. » Une réédition bienvenue !
Chercher Dieu dans sa Parole, Dom Guy-Marie Oury, Les éditions de Solesmes, 156 p., 12 €.
Stéphen Vallet
Mais aussi
L’honneur d’un enseignant, quand parler religion en classe conduit au tribunal, Frédéric Mortier
Ce 15 décembre 2023, Frédéric Mortier, ci-devant professeur d’économie au lycée professionnel privé Joseph Wresinski d’Angers (Maine-et-Loire) est jugé pour « provocation publique à la discrimination en raison de la religion », « harcèlement », « dénonciation mensongère » à l’encontre d’élèves de ses classes.
En décembre 2021, lors d’une altercation dans une classe difficile, Frédéric Mortier, maladroitement sans aucun doute, a parlé de la « France catholique », de « l’éducation chrétienne » et a rappelé à un élève musulman qu’avant la loi Debré (1959) qui a assujetti l’enseignement privé à l’État, il fallait présenter son certificat de baptême pour s’inscrire dans un établissement catholique. Brouhaha des élèves, point Godwin « reductio ad racismum » atteint en un temps record et voici le professeur mis au ban de la société avec plusieurs plaintes au pénal (dont l’une d’un ancien élève réfugié accueilli en France) sans compter SOS Racisme comme partie civile.
L’enseignant, 27 ans de carrière, est mis à pied sans revenus, lâché sans surprise par la direction diocésaine, la direction du lycée et ses collègues, adeptes du « pas de vague ». Totalement dépassé par l’affaire, Frédéric Mortier est arrêté, gardé à vue, humilié au commissariat « pendant cinq heures », déféré et déjà quasi condamné. L’un des juges du tribunal lui déclare : « Vous êtes un homme dangereux. »
Le professeur est au sol, groggy. A-t-il incité ses élèves à la débauche ? égorgé un collègue ? violé un ou une élève ? détourné les fonds du diocèse ? Que nenni ! Mais emporté par sa passion dans un cours, il a dérapé, ne s’est pas autocensuré comme la plupart des collègues qui rentrent la tête dans le sable pour éviter les problèmes et les coups de couteau dans la gorge.
« Présumé coupable », livré à la vindicte des bons apôtres, la presse locale et nationale s’empare de l’affaire sans qu’il puisse se défendre. Alors Frédéric Mortier a écrit ce livre pour expliquer sa vocation, son parcours, son amour des élèves, sa souffrance et donner sa version des faits. L’enseignement est un « métier sérieux » (voir le dernier film de Thomas Lilti), exigeant, mal payé et à risques. Il faut donc être fichtrement courageux, passionné et désintéressé aujourd’hui pour se donner corps, cœur et âme à « l’art des arts » qu’est l’éducation.
L’honneur d’un enseignant, quand parler religion en classe conduit au tribunal, Frédéric Mortier, Artège, 140 p., 12,90 €.
Christophe Carillon
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