La Pause liturgique : Gloria 4, Cunctipotens genitor Deus (Fêtes des Apôtres)

Publié le 27 Jan 2024
gloria grégorien sanctus agnus

Commentaire musical

Gloria 4 Partition gloria

Ce Glória est daté du Xème siècle, et il est utilisé principalement pour les fêtes des Apôtres, mais également certaines fêtes de Dédicace. Il emprunte sa mélodie au 4ème mode, d’où sa douceur, vantée par Dom Gajard :

« Il est si beau… Elle est si belle cette obstination, après chaque cadence, à reprendre cette petite prière si confiante, si implorante, si douce ! Donc les départs sont doux : j’oserais dire qu’ils sont silencieux ou presque. Il y a là une foi, un amour merveilleux, splendide ! Ce Glória est fait pour les monastères. La foule le chante ou trop faiblement, et c’est mort… ou trop fort, et c’est matériel. Or, son caractère est d’être spirituel. »

Il est lui aussi assez chargé de neumes simples, mais cela ne doit pas nuire à sa légèreté, qui lui vient notamment de sa modalité contemplative.

L’intonation qui part du Do grave et va se fixer sur le Fa puis se déployer autour du Mi, en restant très sobre, met en valeur les deux mots qui signifient la transcendance divine, excélsis et Deo. Les accents de ces deux mots sont placés sur des Sol, les deux Sol de toute l’intonation. La cadence très paisible se fixe sur le Mi, en un regard déjà très profond.

Paradoxalement, c’est sur le mot terra que la mélodie s’envole bien vite, allant toucher le Do aigu, puis se reposant sur le La, mettant ainsi ce mot qui nous concerne sur le chandelier de la louange.

Un auteur fait remarquer que les Do de la pièce, comme celui de terra ou encore celui de adorámus, de Dei, de sedes, devaient être à l’origine des Si naturels, plus conformes à la modalité de la pièce. On trouve aussi des Sib dans certains manuscrits, et ce sont les manuscrits germaniques qui détiennent la version avec le Do qui a prévalu dans l’Édition Vaticane.

La mélodie de homínibus bonæ voluntátis nous ramène sagement dans la douceur du mode de Mi.

La série des verbes, Laudámus, Adorámus, Benedícimus, Glorificámus, est originale : dans cette atmosphère contemplative, c’est le verbe Adorámus qui est mis en lumière, allant toucher le Do, tandis que les autres invocations ne dépassent pas le Fa (Laudámus), ou même le Mi (Benedícimus), ou encore le La (Glorificámus). Ce dernier verbe, cependant, fait l’objet d’un beau déploiement neumatique sur le Te, dont la mélodie très florale, très ornée, est légère et intense, très fluide.

Grátias ágimus tibi se maintient au grave puis remonte progressivement, en crescendo, à partir de propter, avec deux beaux accents au levé (propter et magnam) en élan vers l’accent de glóriam qui est bien souligné au posé par la clivis épisémée. Le mot de la gloire s’élève seul au-dessus de toute cette invocation par ailleurs grave et douce.

Les trois Dómine qui suivent sont identiques mélodiquement. Ils partent tous trois du Fa, plongent au grave vers le Ré et même le Do, remontent vers le Mi sur Deus ou Fili, puis se déploie deux fois de manière identique sur Deus Pater omnípotens et sur unigénite Jesu Christe, mettant en valeur, par un beau motif neumatique, les mots Pater et Christe. Par contre, le troisième Dómine s’élève sur Agnus Dei, grâce à une formule déjà rencontrée sur terra ou adorámus te. Fílius Patris nous ramène ensuite avec une complaisance sur les deux accents de ces mots, vers la cadence contemplative en Mi.

Viennent ensuite les trois Qui : les deux premiers commencent de la même manière que les deux premiers Dómine, en partant du Fa, et en se maintenant dans le grave sauf sur les mots miserére nobis (muni d’épisèmes) et deprecatiónem. Quant au troisième, qui sedes, il reprend le motif de terra, adorámus, Dei, en montant jusqu’au Do, et en se maintenant ensuite sur le La, de façon originale, sur la cadence de Patris, avant de revenir au Mi en retrouvant la formule précédente de miserére nobis.

Les trois Tu solus, suivent un schéma analogue aux autres séries d’invocations. Le premier reprend la mélodie de grátias ágimus tibi. Le second s’élève au La en reprenant la mélodie de glóriam tuam. Et le troisième revient au grave et va emprunter sa mélodie finale sur Jesu Christe, à celle des mots Deus Pater omnípotens, ce qui fait que les deux formules de Jesu Christe sont identiques, chaleureuses et légères, fluides et intenses.

On retrouve une fois encore cette formule mélodique sur la doxologie finale (Sancto Spíritu) et la pièce s’achève sobrement sur les derniers mots in glória Dei Patris qui se posent curieusement sur le Ré et non sur le Mi, contrairement à toutes les autres cadences de la pièce. Preuve certainement que le Amen conclusif doit être chanté dans l’élan, sans délai, lui qui commence justement sur le Ré et nous conduit vers la cadence finale en Mi.

Cet Amen est le même que celui des Glória 1 et 12 qui sont aussi du 4ème mode, mais justement, à la différence de ces deux pièces, notre Amen ajoute une note, le Ré initial qui fait le lien avec le Ré final de Patris.

Au total, un Glória expressif et nuancé, jouant très bien sur les répétitions et les petites différences de ses formules.

 

Pour écouter :

 

Retrouvez la messe Cunctipotens genitor Deus (Fêtes des Apôtres) :  

 

>> Voir aussi le Kyrie 4, Cunctipotens genitor Deus (Fêtes des Apôtres)

Un moine de Triors

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