Lettre Reconstruire n°36 | Questions de principe
Après une longue digression sur le principe de subsidiarité (Reconstruire, du n° 29 au n° 35) nous reprenons notre analyse de l’encyclique sociale du pape Pie XI, Quadragesimo anno (15 mai 1931). Après avoir énoncé la définition « scientifique » du principe de subsidiarité, le Souverain Pontife aborde la question des corps intermédiaires.
Sur quel constat s’appuie Pie XI pour aborder ce nouveau sujet ?
La place et le rôle des corps intermédiaires font immédiatement suite à la question de la subsidiarité. Celle-ci, a souligné le Pape, constitue un principe de « philosophie sociale ». Dans la pensée de Pie XI, ce principe concerne et organise le rapport des groupements sociaux entre eux et avec l’État. Au risque de choquer notre mentalité contemporaine, il n’est pas question ici des personnes dans sa compréhension de la subsidiarité.
Mais le Pape parle pourtant des « membres du corps social » !
Effectivement ! Mais pour le pape Pie XI, fidèle en cela à la philosophie politique classique, le corps social, ou société politique, est composé d’un ensemble de sociétés ou groupements, qui en constituent les « membres ». En tant que tel, l’individu s’insère dans la société politique à travers les sociétés, groupements ou corps intermédiaires auxquels il appartient. Pie XI ne nie évidemment pas la dignité de la personne qu’il affirme par ailleurs. Mais il se situe ici au plan politique, celui des rapports entre les groupes sociaux et l’État. En fait, il récuse implicitement la vision moderne qui fait de l’individu l’élément de base de la société. Animal politique, l’homme n’entre pas dans la société comme individu, mais comme membre de la famille, qui en est la cellule de base. Entre la famille et l’État, il existe un ensemble de corps qui sont justement intermédiaires entre ces deux entités. À ce sujet, Pie XI apporte une distinction, qui pour être subtile, n’en est pas moins importante à saisir.
Quelle est exactement cette distinction ?
Elle est énoncée au n. 90 de l’encyclique : « beaucoup considèrent de tels groupements (les groupements corporatifs, ndlr) comme des organes sinon essentiels, du moins naturels dans la société ». Par « essentiels », il faut comprendre des éléments constitutifs requis par la nature même de la société. C’est le cas de la famille et de l’État. Par « naturels », il faut considérer des organes qui sont naturels mais qui ne sont pas…