Quand Jean Raspail nous parlait du retour du roi

Publié le 18 Juin 2020
Quand Jean Raspail nous parlait du retour du roi L'Homme Nouveau

Jean Raspail est mort et désormais enterré, parti au-delà de la mer. Certains, actualité oblige, le découvrent tandis que d’autres, qui connaissaient et aimaient ses Å“uvres, cherchent un souvenir, une phrase, une discussion, un livre de Raspail à convoquer une fois de plus. 
Il y a des drapeaux bleu, blanc et vert en berne ici et là, Les Sept cavaliers ou Le Camp des saints sur les tables de chevet de nombreuses maisons. Dans les rédactions, on se plait à retrouver entretiens, analyses et recensions. Nous ne discuterons plus avec Jean Raspail mais nous pouvons nous rappeler encore ses mots. En septembre dernier, de passage en coup de vent dans les bureaux de L’Homme Nouveau, il avait bien voulu nous parler de son livre et de son roi à l’occasion de la réédition du célèbre Roi au-delà de la mer

Entretien avec Jean Raspail
Propos recueillis par Odon de Cacqueray

Vous rééditez Le Roi au-delà de la mer, cette fois vous choisissez votre roi. Alors que dans la première édition vous appeliez de vos vÅ“ux un roi de moins de trente ans, vous choisissez un roi de plus de cinquante ans. Pourquoi avez-vous fait ce choix ? 

Je n’ai pas choisi le roi, parce que ce n’est à pas moi de le choisir. Il y a dans le livre que vous mentionnez, la réédition d’un livre que j’ai beaucoup aimé : Le roi au-delà de la mer. C’était la projection d’une tentative d’un jeune roi, souhaitant reprendre son royaume, c’est-à-dire la France. C’était un roman, bien qu’il expliquât bien des choses, il ne suffisait pas. Il est passé des années, plus d’une dizaine, et rien ne s’est produit. Les royalistes ne bougent pas, ils sont très nombreux mais se bouffent le nez les uns les autres selon le parti auquel ils appartiennent. Pourquoi être royaliste si on n’agit pas ? 

Je suis royaliste, je le proclame dès qu’on m’interroge. Pourquoi ? Par bon sens. Puisque je suis royaliste et que personne ne bouge, je vais bouger. J’ai donc écrit cette longue préface à mon livre, expliquant pourquoi j’interviens de cette façon et pourquoi j’ai gardé le reste du livre en l’état. Cette préface c’est mon attaque personnelle, ma part du travail. Il n’y a plus beaucoup de gens qui défendent le roi, j’ai beau lire la presse, même dans les journaux royalistes on ne défend plus le roi. J’ai donc décidé de faire sauter un pétard par cette préface, rude et sévère. 

En choisissant Jean d’Orléans, ne choisissez pas vous-même un camp et un roi ? 

Une fois de plus, je ne choisis pas. Je ne fais que rappeler que les bourbons d’Espagne n’ont pas le droit d’être rois de France. Ils ont été rois d’Espagne parce que leur famille était devenue très malade et manquait d’enfants. Une demande a été faite à Louis XIV pour que des bourbons montent sur le trône, ce dernier n’a accepté qu’à la condition qu’ils renoncent au trône de France à jamais, ce qui a donné Henri V si j’ai bon souvenir. Louis XIV a d’ailleurs fait signer un papier marquant ce renoncement. 

Être royaliste aujourd’hui, vous le dites, c’est du bon sens. Pourquoi ce bon sens est-il partagé par aussi peu de personnes ? 

Que voulez-vous… les gens ne réfléchissent plus, ne connaissent plus l’histoire. L’important dans un pays c’est qu’il y ait quelqu’un qui l’incarne véritablement. Nous avons pu avoir en France, hors considération politique pour le personnage, De Gaulle qui incarnait sans être roi (et même pendant un temps sans être président) la France. Napoléon finit par incarner la France. Je vois mal en quoi tel ou tel président que je ne nommerai pas a incarné la France. Le roi incarne le pays et si on veut considérer les pays européens, beaucoup de ceux qui sont les plus solides ont encore un roi. Le roi ne gouverne pas, il incarne. La pensée du roi est un ciment extraordinaire. Angleterre, Pays-Bas, Norvège, Belgique, Suède… pourquoi y a-t-il une photo du roi ou de la Reine partout ? Pourquoi pleure-ton leur mort ? Pourquoi ont-ils de belles obsèques ? Pourquoi suit-on leurs familles avec sympathie souvent et presque affection ? Parce qu’ils sont rois un point c’est tout. 

Vous abordez dans votre livre le lien inséparable entre Dieu et le roi… 

Plutôt la grâce de Dieu. Je veux d’abord rappeler qu’il n’y a pas de de roi de droit divin. C’est une vieille blague des manuels républicains pour taper sur le royalisme. Il n’a jamais été affirmé que le roi était de droit divin, mais la formule d’antan était « roi par la grâce de Dieu Â» ce qui n’est pas la même chose. Je suis catholique, pas un très bon catholique, mais je conçois, je perçois, une grâce qui flotte dans l’air au-dessus des têtes de tous les catholiques et même les autres, qui a un rôle et qui quelque fois de manière mystérieuse, nous imprègne. La grâce passe ou ne passe pas. Les rois, de même Jeanne d’Arc ou d’autres saints, ont une grâce divine qui les aide. Ce qui ne veut pas du tout dire qu’elle les commande ou les dirige. Disons qu’ils ont une sorte de conseiller, stimulateur secret. 

J’ai écrit La miséricorde récemment, un livre religieux, je ne vais pas dire que mon inspiration est divine, n’exagérons rien, mais elle est venue de façon assez mystérieuse et il y a une sorte de grâce qui existe aussi pour les écrivains dans la mesure de ce qu’ils écrivent. 

Vous espérez comme tous les royalistes, le retour du roi. Est-ce une simple espérance de poète ou croyez-vous réellement au retour du roi ? 

Je crois que le roi reviendra sur le trône de France. Je pense que ce sera long mais que ça deviendra inéluctable. À qui voulez-vous vous raccrocher aujourd’hui ? Mettez votre regard sur le personnel politique, pas un qu’on ait envie de voir incarner le peuple. Si personne n’est capable d’incarner le peuple, il faut être capable de se retourner vers les descendants des familles royales qui ont incarné bien longtemps ce peuple. Clovis est le premier à incarner la France, il faut lire à ce sujet l’incroyable livre de Philippe de Villiers, là on comprend ce qu’est un roi et pourquoi il nous en faut un. 

Le roi est mort, vive le roi ! – Le roi au-delà de la mer, Jean Raspail, Via Romana, 172 p., 20€.

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