Benoît XVI et la « réforme de la réforme »

Publié le 01 Fév 2023
réforme de la réforme

L’abbé Claude Barthe évoque ici la question de « réforme de la réforme » de Benoit XVI. Rappelons qu’il est notamment l’animateur de la lettre mensuelle d’analyse et de prospective Res Novae. Avec son autorisation, nous publions cet article de la livraison du mois de février 2023.

 

D’un entretien avec Edward Pentin, publié par National Catholic Register le 9 janvier 2023 (Benedict XVI and Tradition), nous extrayons le passage suivant :

Quelle réforme de la réforme ?

Dans quelle mesure la « réforme de la réforme » de Benoît XVI et son « herméneutique de la continuité » étaient-elles réalistes ? Ou aurait-il dû plutôt promouvoir un retour à la liturgie qui était célébrée avant les réformes liturgiques qui ont suivi le Concile Vatican II ?

L’abbé Claude Barthe – C’est un point difficile à bien comprendre chez Benoît XVI. Summorum Pontificum est certes un texte destiné à apporter la paix liturgique en libérant la messe ancienne, mais il s’intègre aussi dans son grand projet, poursuivi depuis qu’il est à Rome, à savoir l’encadrement du Concile.

Ratzinger était devenu un conciliaire modéré, mais il restait un conciliaire. Dans son discours de décembre 2005 devant la Curie romaine, il a expliqué, assez vaguement d’ailleurs, son projet : appliquer à Vatican II une « herméneutique de progrès dans la continuité ». Ceci pour la lex credendi. En outre, selon lui, un des effets de la libéralisation de l’ancienne liturgie devait être de permettre, par émulation, contact, « enrichissement », de corriger et d’interpréter correctement la nouvelle liturgie. Là était l’utopie. Car, quelle que soit la manière dont elle est célébrée et interprétée, la nouvelle liturgie conserve ses défaillances intrinsèques, qui sont des défaillances doctrinales.

Mais Benoît XVI favorisait aussi, par le fait, la célébration de la liturgie d’avant le Concile, lex orandi arrimée à une lex credendi elle aussi d’avant le Concile. A son corps défendant, ou peut-être pour une part volontairement, Benoît XVI a posé une mine sous l’édifice conciliaire.

Le processus de la réforme de la réforme

Quant au processus de « réforme de la réforme », il a cette même double face. S’il était destiné à conduire à une nouvelle liturgie assagie, sans « excès », il restait dans l’utopie que je viens de décrire : la messe nouvelle « assagie » contient malgré tout une expression plus faible de la valeur sacrificielle de l’action eucharistique. Si en revanche, la « réforme de la réforme » se veut un processus de transition pour permettre un retour progressif à la liturgie romaine dans toute sa force et sa pureté, elle sera, pour les fidèles des paroisses, un moyen pédagogique, utile et même nécessaire.

[…]

Savons-nous pourquoi, malgré Summorum Pontificum et son amour pour une liturgie révérencieuse, Benoît XVI n’a jamais célébré la messe latine traditionnelle en public ?

C’est vrai, il avait célébré la messe latine traditionnelle un bon nombre de fois comme cardinal, mais il ne l’a jamais fait comme pape. Il est vrai qu’une messe papale solennelle selon le rite ancien, extrêmement fastueuse, eût été extrêmement difficile à organiser, même en la simplifiant beaucoup. Avec son ami Robert Spaemann, j’ai tenté de lui faire célébrer une messe basse en public, ou au moins une messe qui aurait été filmée ou largement photographiée. En vain. Je dois dire que son cérémoniaire, Guido Marini, conservateur mais pas traditionnel, n’a jamais été très enthousiaste pour le projet : il aurait dû apprendre le rite ancien qu’il ne connaissait pas. Ce fut une grande occasion manquée : cette célébration par le pape de la messe tridentine, même de manière très modeste, eût été un acte extrêmement fort.

 

Les intertitres sont de la rédaction de L’Homme Nouveau

L'abbé Claude Barthe

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