Rennes : bilan d’une paix liturgique retrouvée

Publié le 18 Oct 2016
Rennes : bilan d’une paix liturgique retrouvée L'Homme Nouveau

Que s’est-il passé réellement dans le diocèse de Rennes en plein cœur de l’été ? Pendant plusieurs semaines, des catholiques ont demandé à leur évêque, Mgr d’Ornellas, de tenir compte de leurs aspirations liturgiques – en l’occurrence la célébration de la forme extraordinaire, remise à l’honneur par le motu proprio Summorum Pontificum de Benoît XVI. À l’heure où la paix liturgique est revenue, nous avons demandé au président de l’association « Saint-Benoît de Nurcie », Hubert des Minières, de tirer un bilan de cet été chaud 2016.

Que s’est-il passé à Rennes ?

Hubert des Minières: L’évêque auxiliaire, Mgr Nicolas Souchu, a tout simplement notifié le vendredi 10 juin à notre desservant, le chanoine Gwenaël Cristofoli, de l’Institut du Christ-Roi Souverain Prêtre (ICRSP) qu’il était congédié, que la convention avec l’ICRSP n’était pas renouvelée et que notre chapelle, la chapelle Saint-François, allait être vendue. En prêtre obéissant, le chanoine Cristofoli a réuni un petit comité pour réfléchir sur la manière d’annoncer la nouvelle à la communauté.

Quelle est l’histoire de cette communauté ?

En fait, elle est très ancienne. Le premier noyau date des années 1975 lorsqu’un prêtre des Missions Africaines de Lyon, le père Gaillard, ordonné à Rennes en 1942, monte une première chapelle Saint-Pie X. En 1980, Mgr François Saint Macary autorise la messe dans la forme extraordinaire à la chapelle Saint-François. Dans un premier temps, la desserte de la chapelle est confiée à des prêtres du diocèse puis, dans un second temps, en 2002, à l’Institut du Christ Roi Souverain Prêtre. Deux prêtres de cet institut se sont succédé : le chanoine Jean-Paul Trézières, de 2002 à 2008, puis le chanoine Cristofoli. On a vu cette communauté grandir très rapidement puisque de nos jours elle compte plus de 700 fidèles. De plus, avec le temps, elle s’est imposée comme une chapelle relais entre les Parisiens qui venaient en Bretagne et inversement.

Comment ont réagi les fidèles à l’annonce que vous avez mentionnée au début de notre entretien ?

Nous sommes en Bretagne et les gens ici sont très pragmatiques. Il y a parmi nous, il faut le dire, beaucoup de Vendéens, de Mainiots et de Normands marqués en profondeur par l’histoire de la Vendée et de la chouannerie. Ensemble, nous avons décidé d’entrer en résistance d’autant que nous ne comprenions pas les motivations de notre évêque, Mgr d’Ornellas et que nous n’avions pas été consultés. Toute notre action s’est appuyée sur la philosophie de saint Thomas d’Aquin qui a parfaitement défini le droit et le devoir de s’insurger dans de telles situations.

Comment vous êtes-vous organisés ?

Nous nous sommes organisés par rapport aux objectifs c’est-à-dire ceux qui étaient immédiats et ceux à moyen et long termes, partant du principe que notre combat pouvait durer dans le temps. ?Les décisions prises par l’évêque devaient être annoncées le dimanche suivant. Il y avait donc urgence pour empêcher cette décision ou au moins la retarder. Il nous fallait au plus vite rencontrer l’évêque ce qui n’était pas possible, selon son secrétariat, avant juillet c’est-à-dire trop tard. Donc nous avons précipité les évènements en accompagnant notre chapelain qui avait rendez-vous le samedi soir, le 18 juin, avec Mgr d’Ornellas. Ce n’est pas facile comme catholique de mener ce genre d’action, mais il y avait une urgence vitale pour notre communauté. La confrontation a été particulièrement délicate bien que très respectueuse. Hélas, rien n’en est sorti. Dans la nuit, on a fait une campagne d’affichage à travers toute la ville et à la sortie des messes on a distribué des tracts afin d’informer la population de ce qui nous arrivait.

Grâce à cette opération, nous avons eu une réunion d’urgence avec l’évêque et ses responsables. L’échange a été particulièrement difficile mais je préfère ne pas m’étendre sur ce sujet. Comme rien n’en est sorti à nouveau, Mgr d’Ornellas nous ayant dit personnellement qu’il ne savait pas le sort qu’il nous réservait, on a décidé de passer à une deuxième étape.

Dans ce cadre, quatre types d’action ont été organisés.

La première action a été d’organiser notre communication tant au niveau local, régional, national que international. Nous nous sommes appuyés sur la presse locale bienveillante à notre égard, nationale et internationale et bien entendu sur tous les réseaux sociaux. Nous avons en la matière une équipe de jeunes experts particulièrement performante et audacieuse. Je dois souligner ici le rôle clé joué par les structures indépendantes comme TV Libertés et Réinformation TV dont le représentant local, Armel Joubert des Ouches, a été d’une extraordinaire efficacité. On peut d’ailleurs toujours voir ses reportages sur internet. Nous avons pu mesurer ici l’importance de ce type de support entièrement indépendant qui nous a donné la possibilité de nous exprimer librement.

La deuxième a été une addition d’actions ponctuelles afin de rendre visible notre action et notre détermination. À ce titre, il nous a semblé important de prier le chapelet devant la cathédrale, portes closes, le jour de la Saint-Pierre, Pierre étant le prénom de notre évêque, afin de se rappeler à lui. La communauté a aussi participé activement à la procession du 15 août.

Le troisième a été la mise en place de comités inter-paroissiaux et là, je dois reconnaître que nous avons été stupéfaits par le soutien des autres paroisses rennaises qui voulaient ainsi manifester leur solidarité.

La quatrième a été la mise en place de Sentinelles dites « de Saint-François » lesquelles, chaque jour, à midi, priaient le rosaire devant l’évêché. Cette action, qui a duré tout l’été, a, malgré les vacances, eu un grand impact car elle se voulait priante.

Comment tout ceci s’est-il terminé ?

Nous étions prêts à une opération sur le long terme car nous n’acceptions pas cette injustice qui condamnait notre communauté, à terme, à disparaître. Nous avions prévu beaucoup d’autres actions mais notre évêque a eu la sagesse de revenir sur sa décision première. Non seulement notre chapelle ne sera pas vendue, mais la convention avec l’Institut du Christ Roi a été renouvelée pour une durée de trois ans renouvelables et un nouveau chanoine, Tancrède Guillard, a été nommé chapelain de Saint-François. Nous avons eu la bonne surprise de voir l’abbé Étienne Lorta, archiprêtre de la cathédrale de Saint-Malo, être nommé pour l’application du motu proprio Summorum Pontificum dans le diocèse de Rennes. Finalement, tout s’est très bien terminé et nous tenons à en remercier notre évêque.

Quelles conclusions tirez-vous de cette expérience ?

En fait plusieurs. La première est que nous étions heureux d’être ensemble et que nous voulions rester ensemble.

La deuxième est que nous étions fragiles par rapport à l’autorité. La troisième est qu’il ne faut pas hésiter, en tant que catholique à se battre pour que la justice soit faite.

Au-delà de toutes ces considérations, cette expérience nous a permis de nous découvrir les uns les autres au-delà des familles, des clans qui se forment naturellement au fil des années. Vous ne pouvez pas vous imaginer les intelligences qui se sont exprimées, la qualité des idées et des débats, la disponibilité des gens. Notre communauté dans l’adversité a beaucoup évolué et une nouvelle devise s’est imposée : « Tous pour un, un pour tous ».

Je tiens à remercier ici tout particulièrement les membres de l’association et tous ceux qui ont participé à la réflexion et aux opérations : sans eux nous n’aurions pas réussi. Un grand merci aussi à notre chapelain, le chanoine Cristofoli, lequel, grâce à son humilité, à son charisme, à son sens de l’autre nous avait préparés, peut-être sans le savoir, à faire face à cette adversité. Nous nous sommes ainsi retrouvés plus de 700 pour lui dire au revoir et accueillir notre nouveau chapelain, le chanoine Guillard, comme l’abbé Lorta aujourd’hui responsable du motu proprio dans le diocèse.

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