Passé d’un scepticisme bien de son époque à la foi retrouvée, Louis Bertrand (1866-1941) eut lui aussi une grâce d’illumination le soir de la Nativité. Mais celle-ci arrivait après des années d’évolution politique, de recherches intellectuelles, une retraite spirituelle au désert et enfin l’abandon et la confiance en Dieu.
Qui est Louis Bertrand ?
Né en Lorraine en 1866 dans une famille catholique, l’écrivain et académicien Louis Bertrand appartient à la génération des intellectuels qui marquèrent le début du XXe siècle, et à la catégorie plus particulière de ceux qui retournèrent à la « religion », à l’instar de Paul Claudel, de Charles de Foucauld, de Charles Péguy, de Jacques Maritain et tant d’autres. Élevé dans la tradition catholique, il prit néanmoins ses distances, séduit par le scientisme déterministe qu’il découvrit lors de ses études. L’École normale supérieure lui ouvrit la carrière de l’enseignement qu’il embrassa à défaut de pouvoir vivre de sa plume. Il partit enseigner à Alger dix années durant, et c’est sur cette terre d’islam qu’il réalisa « l’importance de la religion dans le monde oriental » (1).
Une carrière d’écrivain
En 1901, encouragé par ses premiers succès littéraires, Louis Bertrand délaissa la carrière de professeur pour se consacrer à l’écriture. Auteur prolifique, il signa également de nombreux articles de journaux et revues, dont la fameuse Revue des Deux Mondes pour laquelle il entama une enquête en Orient en 1906. C’est à cette occasion qu’il découvrit que « la religion est l’âme des nationalités » (2), ce qui suscita chez lui une réflexion politique avant qu’elle ne devienne plus spirituelle. Un temps attiré par le dreyfusisme, et sur le point de devenir socialiste comme il le confessera plus tard, Louis Bertrand revint à la religion par le cheminement intellectuel et politique. Il effectua une sorte de double conversion, convaincu que les lois contre les congrégations, puis la séparation des Églises et de l’État étaient une marche en avant vers le déclin. Devenu compagnon de route de l’Action française, ce sont les idées monarchistes qui le menèrent à la foi. Pour lui comme pour d’autres intellectuels, « la conversion est donc un aboutissement, l’accomplissement d’un raisonnement politique qui cherche à donner des bases morales à un désir d’ordre » (3). Après sa conversion à 40 ans, Louis Bertrand usa de sa notoriété pour se faire le porte-voix du catholicisme et du monarchisme. Son tempérament intransigeant, renforcé par ses nouvelles convictions politico-religieuses, (« convictions idéologiques furieuses » [4]…