Savoir dire non

Publié le 21 Déc 2016
Savoir dire non L'Homme Nouveau

Le Père abbé qui m’a accueilli au noviciat disait souvent que « gouverner, c’est savoir dire non Â». En effet, se gouverner soi-même tout d’abord, c’est savoir dire non à ses envies et impulsions du moment pour vivre de façon ordonnée dans la durée, devant sa conscience et devant Dieu. Puis quand on a charge d’âme, chefs de classe dès l’enfance et scoutisme, parents, patrons, milieu de travail y compris associatif, à chaque fois et partout, celui qui préside doit savoir dire non à ceux que le Bon Dieu lui a confiés. Dire oui semble à première vue plus charitable, puisqu’on fait plaisir à l’autre, mais aimer est tellement autre chose que faire plaisir. Du jour où l’on se rend compte de cela, un grand pas est fait dans la vie. « Savoir dire non Â», la Règle donne un bel exemple. Si le cellérier (l’économe) n’a pas ce qu’on lui demande, saint Benoît lui conseille, plutôt que prendre un air bourru qui avive la frustration du quémandeur, de trouver une bonne parole qui est le meilleur des dons, au dire de l’Écriture (chap. 31. Cf. Ecc. 18,16 s).

Une formule de la Règle bénédictine me semble aussi riche d’enseignement : l’abbé ne doit pas être « trop soupçonneux Â» à l’égard de ses moines (chap. 64). En effet, le soupçon devenu habituel, a priori, tue la relation, alors que celle-ci n’attend qu’un peu de confiance pour respirer et s’épanouir. Et plus la confiance augmente, plus la vie quotidienne est aisée ; une saine connivence devient un lieu d’émulation pour avancer dans le bien, dans l’ordre de la vérité, dans la ferveur de la charité ; la vie est alors un délice. La formule qui vaut pour l’abbé vaut tout autant en famille, en milieu associatif ou professionnel. D’ailleurs, qui n’a pas remarqué cela ? Bien s’entendre, c’est le contraire de chercher sans cesse des poux dans la tête de l’autre !

Mettons cela en application dans la société actuelle, celle que le Bon Dieu nous donne à vivre, telle que l’ont bâtie les responsables de la cité, celle de l’esprit de ce temps. On se méfie de tous, surtout de l’innocent : l’enfant non désiré par sa mère, le vieillard qui réclame un regard et une présence dans sa solitude, etc. Les journaux nous repaissent des scandales de nos édiles : l’émulation est à rebours, on dirait qu’un grand nombre d’entre eux cherchent le record de malice à faire oublier pour revenir sur le devant de la scène. Les médias mal compris ont contribué à cette surenchère. « Panier de crabes Â», voilà l’image spontanée qui vient à l’esprit pour définir notre société. Plus on parle de social, moins on le vit. Et c’est le cercle vicieux, possédé par le diabolos, le diviseur : tant que la relation élémentaire de la mère et de l’enfant est rendue impossible, celle du prince face à la société est en péril ; et tant que le prince empêche la mère de sourire à son enfant, il s’emprisonne lui-même dans une tour d’ivoire contre ceux qu’il prétend aider.

Responsabilité Â»-liberté

La grande tentation actuelle de la société est de ne pas croire à elle-même, de se nier elle-même, de penser que le jeu social est impossible, qu’il faudrait tolérer ces scandales, comme s’ils étaient inéluctables : société à la Caïn, société qui tue l’innocent (de l’enfant conçu à l’électeur toujours grugé). En revanche, la foi sait que, depuis la Rédemption, les choses ont changé : Jésus rachète sans cesse la société et la rend viable. Le Christ-Roi (auquel vient de se consacrer la Pologne) permet au jeu social de retrouver sa simplicité aimable.

Imaginons que du haut en bas, et de bas en haut de l’échelle sociale, partout on sache « dire non Â» à qui de droit et au bon moment. De la mère à l’enfant, de l’infirmière au malade, du patron à son ouvrier, de l’ouvrier à ceux qui le représentent au syndicat, du ministre à son entourage, du Premier Ministre aux membres du Gouvernement, enfin du Président au Premier Ministre, imaginons que l’on sache dire non, avec doigté et fermeté, avec douceur et diplomatie, avec énergie si nécessaire, imaginons que chacun vive en responsable, c’est-à-dire en homme libre et construit. Alors, le panier de crabes se transforme en aimable panier de crevettes.

Ce contenu pourrait vous intéresser

A la uneEgliseÉglise de France

Pèlerinage « Nosto Fe » : Vers la Madeleine en Provence

Initiatives chrétiennes | Renouant avec les racines provençales, une association lance en octobre un nouveau pèlerinage provincial, entre Cotignac et Saint-Maximin-la-Sainte-Baume, avec l’ambition de renouveler l’alliance entre foi et culture, comme l’indique le nom choisi : « Nosto Fe ». Les 5-6 octobre résonneront sur les routes de Provence prières et chants traditionnels. Entretien avec Jean Rivière, président de l'association « Nosto Fe ».

+

Nosto fe Provence
A la uneEglise

Sainte Thérèse d’Avila : enquête sur le phénomène d’incorruptibilité

Focus | Le 28 août 2024, la tombe de sainte Thérèse d’Avila a été rouverte à Alba de Tormes, en Espagne, révélant un fait fascinant : son corps, plus de quatre siècles après sa mort, est resté remarquablement intact. Cette réouverture, la troisième depuis son décès en 1582, a été motivée par une étude scientifique menée par une équipe italienne. L’objectif était d’examiner les mécanismes de préservation de ce corps, un phénomène que l’Église appelle l’incorruptibilité. 

+

Thérèse d'Avila corps
Eglise

Voyage du Pape en Indonésie : « Foi, fraternité et compassion »

Parole du Pape | En voyage apostolique en Asie du Sud-Est du 2 au 13 septembre, le pape François a commencé par l'Indonésie, pays à majorité musulman. Il y a prononcé un discours à la communauté religieuse de Djakarta, exhortant à la foi, la fraternité et la compassion pour favoriser l'unité de leur pays.

+

pape Indonésie
EgliseChrétiens dans le monde

Nigéria : la multiplication des vocations 

Focus | Cet été, le Nigéria a gagné 23 nouveaux prêtres, ordonnés le 10 août dernier par Mgr Godfrey Igwebuike Onah dans son seul diocèse de Nsukka, au sud du pays. Le diocèse compte désormais 417 prêtres, là où il n’y en avait que 195 il y a dix ans. La population catholique du Nigéria est pourtant assez faible, environ 15 %, et régulièrement persécutée par des groupes islamistes ou des bandes de bergers nomades.

+

Nigéria