Synode : une Église mondaine ou une Église prophétique ?

Publié le 01 Oct 2015
Synode : une Église mondaine ou une Église prophétique ? L'Homme Nouveau

Vingt-six théologiens viennent de publier leur contribution au Synode sur la famille, accompagnée d’une préface de Mgr Brunin, président du Conseil Famille et Société de la Conférence des évêques de France. Un livre qui met de côté le Catéchisme de l’Église catholique et l’enseignement de Jean-Paul II. Lecture d’un philosophe pour dénoncer un danger.

La Conférence des évêques de France, sous la responsabilité de Mgr Brunin, président du Conseil Famille et Société et lui-même Père synodal, a souhaité participer au débat synodal actuel en publiant un ouvrage collectif dans lequel 26 théologiens francophones répondent aux questions posées dans la Relatio Synodi. Ce volume, par nature composite, se signale cependant par sa très grande homogénéité : presque toutes les contributions sont en effet des critiques de l’enseignement de l’Église sur le mariage et la sexualité ! À croire qu’il y a eu un grand vide magistériel sur ces sujets entre la fin des années 1960 et aujourd’hui. Omissions, contresens, voire sophismes sont légion dans ces quelque 300 pages. Ainsi la bibliste Anne-Marie Pelletier, professeur aux Bernardins, ignorant l’enseignement de saint Jean-Paul II sur le passage d’Éphésiens 5 sur le rapport du Christ à l’Église et soulignant l’urgence d’affronter des questions sur « la soumission de la femme à son mari » (p. 59) que le pape polonais a traité avec minutie et profondeur voilà plus de trente ans !

Une nouvelle morale

On constate également le contresens récurrent consistant à accuser les encycliques Humanæ vitæ (1968) et Veritatis splendor (1993) d’être légalistes et naturalistes (p. 182, 186, 208) pour mieux les opposer au concile Vatican II censé être personnaliste et légitimer ainsi une morale du sujet attentive aux situations particulières et ouverte à la miséricorde. Comme si Paul VI et Jean-Paul II avaient moins bien compris le Concile que le Père jésuite Alain Thomasset, professeur au Centre Sèvres… On remarque encore l’omniprésence de certains mots sur lesquels cette nouvelle (mais en réalité très datée) morale s’articulerait. Un des plus significatifs est celui de « stabilité », en passe semble-t-il de devenir la clef de voûte de cette morale sexuelle, moyen de s’habituer à considérer comme légitime les couples de même sexe et les divorcés remariés.

Cet ouvrage est une manifestation exemplaire que l’Église de France n’a pas reçu l’encyclique du bienheureux Paul VI sur la régulation des naissances. Les arguments d’aujourd’hui sont les mêmes que ceux développés par la note de l’épiscopat français (novembre 1968) et que les grands théologiens contestataires (Fuchs, Rahner, Häring, Thévenot, etc.). Il s’agit de relativiser la portée de l’encyclique en rendant son enseignement optionnel ; ainsi le Père Bordeyne, recteur de l’Institut Catholique de Paris, demandant que le discernement des méthodes soit laissé à « la sagesse » des époux et que les méthodes naturelles soient « recommandées comme un conseil évangélique » !

Plus d’acte intrinsèquement mauvais

Cette proposition nie implicitement la notion d’acte intrinsèquement mauvais (et donc qu’aucune intention ni circonstance ne transformeront en objet d’un choix bon) et tout ce qu’elle présuppose… à savoir le déploiement magistral qu’en a donné saint Jean-Paul II quant à la nature de la vie morale chrétienne dans Veritatis splendor et quant à la nature de la vie conjugale dans ses catéchèses sur « la théologie du corps ». Le Père Thomasset quant à lui s’emploie à critiquer frontalement cette encyclique qu’il ne comprend manifestement pas.

Nous assistons aujourd’hui, à l’occasion du Synode sur la famille, à une nouvelle offensive pour acclimater la morale sexuelle de l’Église à l’esprit du temps. Un des arguments privilégiés est que les normes morales ne sont pas reçues par la majorité des fidèles et que la doctrine qui les fonde est inintelligible. Il s’agit donc de rendre les exigences morales facultatives pour cesser de « culpabiliser » les couples, cette démarche étant présentée comme l’exercice de la miséricorde de l’Église renonçant enfin à faire porter des fardeaux inutiles aux baptisés. Tout cela repose sur des contresens quant à la nature de la conscience, de la loi morale et bien sûr de la Miséricorde divine.

Un raisonnement circulaire

De plus, nous sommes là devant un raisonnement circulaire. En effet, pourquoi l’enseignement moral de l’Église n’a pas été reçu par les fidèles français si ce n’est que, depuis plus de cinquante ans, la pastorale familiale consiste bien souvent dans notre pays à mettre sous le boisseau un tel enseignement, à refuser de prendre les moyens concrets permettant d’éclairer l’intelligence et de toucher les cœurs ? Au lieu de travailler à une véritable maturation de la subjectivité chrétienne pour qu’elle se déploie librement selon la vérité de la personne humaine, on travaille à créer une nouvelle casuistique, signe même que l’on est resté dans une mentalité légaliste. Alors, quand nos pasteurs et nos professeurs se mettront-ils à transmettre la richesse de la morale conjugale, ce qui implique qu’ils la comprennent et la perçoivent effectivement comme un chemin de vie et de sainteté ? L’enjeu est central, c’est celui du lien indissociable entre foi et morale et ultimement du lien entre miséricorde et conversion (qui n’a rien à voir avec la déculpabilisation souhaitée par certains).

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