Un été avec les grands écrivains : Jean-Marie Paupert

Publié le 28 Juil 2017
Un été avec les grands écrivains : Jean-Marie Paupert L'Homme Nouveau

Mort en 2010, Jean-Marie Paupert a traversé le XXe siècle (il était né en 1927) avec une foi fougueuse, fondée en raison, tout en témoignant d’un itinéraire à rebours du conformisme mondain. Intelligence rare, écrivain puissant, polèmiste brillant, c’était aussi un grand Monsieur.

Il y a eu Léon Bloy et Bernanos. Et il y a Jean-Marie Paupert. Des écrivains qui, par définition, dérangent par leur incorrigible souci de la vérité. Impossible de les mettre dans un casier bien commode : ils en sortent aussitôt, d’une manière ou d’une autre. Impossible de les retenir par les honneurs ou le silence. Il y a peu d’écrivains de cette sorte dans une époque. Le pire, c’est peut-être de vivre à côté d’eux en les ignorant. Ils répondent à un appel mystérieux, à un besoin impérieux qui s’impose à eux plus qu’ils ne le choisissent. À une vocation pour tout dire. C’est le cas de Jean-Marie Paupert.

Un itinéraire atypique

L’itinéraire de Paupert va, en lui-même, à rebours du conformisme. Né en 1927 dans une pieuse et simple famille champenoise, il se sent destiné très tôt au sacerdoce. Cette vocation habite son enfance et son adolescence. Petit séminaire, Grand séminaire, puis Université Grégorienne et séminaire français de Rome en forment les principales étapes. Là, Jean-Marie Paupert fréquente aussi bien le père Congar que le père Garrigou-Lagrange ou le père Gagnebet. D’autres encore dont la liste serait trop longue, mais qui révéleraient bien la formation acquise alors par un jeune esprit affamé de connaissance et de savoir. Cependant à force de travail, de discussions enfiévrées, aux heures diurnes et nocturnes, le jeune Paupert finit par menacer une santé déjà bien fragile. La solution ? Il demande son admission chez les Dominicains. L’ordre peut répondre à sa soif d’étude, mais pourtant à l’époque encore il est régi par des conditions de vie extrêmement dures. Est-ce plus adapté pour un aspirant au sacerdoce que le séminaire ? La suite devait démontrer que non. Jean-Marie Paupert a raconté cette partie de sa vie dans PPC ou la passion, testament d’un clerc catholique romain. On y voit un jeune religieux en proie au doute en face de ses difficultés à vivre au rythme de la vie religieuse en même temps que la montée en puissance d’une intelligence hors du commun et qui le sait de plus en plus.

Féconde évolution

La suite ? Rendu à la vie civile, Paupert allait devoir vivre tout en traversant une crise spirituelle. Dieu éprouve ceux qu’Il aime, surtout les âmes de feu. Études à la Sorbonne, rencontre avec celle qui allait devenir sa femme et qui l’a secondé jusqu’à sa disparition. Catherine Paupert était à l’image de son mari une intellectuelle de haute volée, spécialiste des apocryphes. À l’époque pourtant, il faut vivre et Jean Marie Paupert exercera jusqu’à trois emplois en même temps afin d’apporter à une famille grandissante la subsistance nécessaire tout en satisfaisant son besoin d’écriture et de combat. Il devient collaborateur de Daniel-Rops à la revue Ecclesia et au secteur religieux des éditions Fayard.

Grande époque d’une collaboration intellectuelle qui débouche notamment sur la création de la collection « Je sais-Je crois ». Époque féconde aussi pour l’écrivain Paupert. En 1961, il publie Quelle est donc cette Bonne Nouvelle ?, un essai sur l’Évangile (Fayard). Viennent ensuite des ouvrages qui entraînent le débat et la polémique. Au fil des livres, Paupert devient un écrivain en vue de l’intelligentsia catholique. Ses prises de position avancée, sa plume facile, son verbe assassin, en font l’auteur par excellence d’un courant qui cherche à s’imposer. En 1967, paraît chez Grasset Vieillards de chrétienté et chrétiens de l’an 2000. C’est une attaque en charge contre les catholiques romains et les traditionalistes. L’Homme Nouveau n’est pas épargné. Polémique mais d’un grand style, le livre révèle bien l’état d’esprit de l’auteur. Il enfourche toutes les obsessions des progressistes de l’époque.

Plus tard, il publie chez Robert Laffont : De Gaulle est-il chrétien ? Mis à part deux romans et des articles dans la presse, Paupert entre alors dans un silence éditorial de dix ans. C’est alors qu’éclate dans le ciel serein du progressisme triomphant un éclat de tonnerre : Péril en la demeure. Paupert rompt les amarres avec son ancien port d’attache, dénonce son errance dans les eaux troubles de l’anti-romanité et fait profession de foi papiste. L’ancienne coqueluche du petit monde catho-médiatique commence alors son chemin vers le purgatoire. Les portes se ferment (jusqu’à celles du Monde), les éditeurs se désintéressent tout à coup d’un auteur qu’ils portaient aux nues auparavant. Jean-Marie Paupert parvient quand même à faire éditer un maître ouvrage sur nos racines intellectuelles, Les Mères patries, Jérusalem, Athènes et Rome (à lire absolument), puis, au moment de l’affaire Lefebvre, Les Chrétiens de la déchirure (Robert Laffont). Il doit cependant créer sa propre maison d’édition pour faire paraître son cri du cœur sur l’avenir de la France : France, tu veux crever ?

L’aventure de La Nef

En 1990, il rencontre un jeune homme qui lui propose une nouvelle aventure : écrire une chronique libre et régulière dans un mensuel qui se lance. Le jeune homme s’appelle Christophe Geffroy et la revue, La Nef. Paupert accepte, certain de pouvoir écrire ce qu’il pense. En s’adressant à un public moins linéaire qu’on ne le pense généralement, Paupert n’hésite pas à le conforter ou à le rabrouer, selon son humeur. Il passe de l’anecdocte familiale à la réflexion philosophique et théologique de haute volée avec une aisance impressionnante. Signe d’une amitié rare dans la presse, La Nef a édité deux ouvrages de son chroniqueur: Libres humeurs, un recueil de sa chronique mensuelle et Credo ou Ce que je crois. Il s’agit, cette fois, d’un véritable livre, dans lequel Paupert décortique le Credo pour en donner un commentaire d’une rare puissance, traversée fulgurante qui conduit jusqu’au cœur du mystère, dans une tension permanente entre l’œuvre de l’intelligence et celle de la foi. Œuvre de théologien, on y trouve aussi la marque de ce ciseleur de mots, de cet artisan du verbe qui futl’un des rares hommes de son temps à faire resplendir la vérité dans un tourbillon de mots et de phrases.

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