Aux sources de la dignité humaine

Publié le 24 Déc 2018
Aux sources de la dignité humaine L'Homme Nouveau

On use et mésuse de l’expression, la dignité humaine. Mais elle est trop souvent ridiculisée et galvaudée dans le réel, spécialement lorsqu’il s’agit de la dignité chrétienne. Saint Léon, dans un sermon de Noël, invite pourtant à y faire très attention : « Chrétien, reconnais ta dignité »

La dignité de tout homme se fonde sur l’image et la ressemblance divines inscrites dans son être dès le sein de sa mère. Depuis la venue de Jésus, le chrétien est alors invité à admirer sa plus belle réalisation en Notre Dame, en la digne Mère de Dieu comme disaient les Pères avec une pertinence réfléchie. Sa dignité à elle ne nous l’éloigne pas, au contraire elle est pour nous et pour nous arracher à nos indignités. Benoît XVI le disait à Lourdes en 2008 : « La grâce de l’Immaculée Conception faite à Marie n’est pas seulement une grâce personnelle, mais elle est pour tous. Elle est une grâce faite au peuple de Dieu tout entier » (Angelus, 14 septembre). 

Il est trop clair qu’en tout temps la dignité humaine se traîne le plus souvent au dessous d’elle-même ; par le simple jeu de la légèreté, on fait comme si nous étions des gens honnêtes, et, au nom de notre baptême, on s’imagine trop vite de dignes et bons chrétiens. Mais la dignité n’est vécue alors que du bout des lèvres, dans la superficialité, au risque de devenir le mensonge de la vie. Par vanité et paresse morale, on avalise ainsi la blessure intime des origines, cette division cruelle entre intérieur et extérieur : l’hypocrisie touche alors un peu tout dans la vie. Dans les Dialogues de Platon, Socrate dénonce ce travers courant de l’existence humaine ; de même Soljénitsyne (dont c’est le dernier jour du centenaire de la naissance1) fustige l’hypocrisie qui profite du confort mesquin de la société. 

Avant Socrate ou Soljénitsyne, l’Écriture Sainte a toujours insisté sur le devoir de la loyauté parfaite au bénéfice de l’être vrai, c’est-à-dire de la dignité conforme au plan de Dieu. Saint Grégoire en tire pour nous ces grands modèles dont la dignité se laisse voir « comme dans un miroir » : Noé, Abraham et Joseph, Job aussi, Judith, Esther ou Daniel. Ces devanciers bibliques stimulent l’âme à être vraie. À l’opposé, Notre Seigneur dénonce avec sévérité la duplicité des scribes et des pharisiens, « aimant les premières places et les salutations sur la place » (Mt 23,6 s). Hélas, l’idéal est si vite blessé, le courage de l’humilité intégrale est si rare, le discernement grevé de tant d’illusions petites ou grandes.

Au long des siècles chrétiens pourtant, ce noble combat pour la dignité humaine et la loyauté a donné de beaux fruits : je pense au moine de Cluny tel que saint Pierre Damien le décrit ; au chevalier médiéval aussi, à la quête du Saint Graal, courtois et honorant ses pairs du titre de « beau Sire ». L’Espagne de la Reconquista nous a donné le Carmel ardent, mais aussi ces églises gavées d’or et d’argent, symbole de succès de chrétienté bien ambigu, annonce de son déclin. Au temps du classicisme français, le Théotime de saint François de Sales est l’emblème de « l’honnête homme », trop prompt hélas à corrompre l’idéal en stérilisant l’honneur par son égoïsme qui rend susceptible, s’interdisant le pardon et prompt au duel. Dans La révolte de l’esprit, Bernanos cherche à dégager cet « honnête homme » de ce qu’il nomme le « Système », cette idole de « l’homme moderne » (1944, p. 404), « parce que, écrit-il, il le dispense du risque quotidien de juger. Le Système juge pour lui [à sa place]. L’honnête homme ne craint rien tant que d’être dupe, et surtout dupe de lui-même. »

Une oraison du missel dit de la dignité humaine qu’elle est blessée par nos « excès », « per immoderantiam sauciata » (Jeudi de la Passion). Elle ne peut être restaurée qu’à l’école de la seule dignité bien reçue d’En Haut : Marie, « digne Mère de Dieu », l’a vécue sans faille. Nous autres nous la recevons d’autant mieux que nous la regardons, elle, recevant avec ardeur et pureté Jésus en son sein pour nous.

1. Cf notre Hors-Série double sur Soljénitsyne.

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