Au quotidien n°74

Publié le 24 Juin 2020
Au quotidien n°74 L'Homme Nouveau

Le politiquement correct a encore frappé. Le Point (18 juin) détaille le processus qui s’est mis en place au sein de la rédaction du New York Times après la parution d’une tribune, jugée inadmissible. Un processus typiquement révolutionnaire :

Rétrospectivement, James Bennet se dit qu’il aurait mieux fait de lire la tribune avant de la publier. Le responsable de la rubrique « Opinion » la plus influente du pays a, sans le vouloir, déclenché une révolte dans la rédaction et perdu son emploi. Le 3 juin, le New York Times publie un texte signé par Tom Cotton, un sénateur républicain très à droite. Sous le titre « Envoyons l’armée », il appelle à déployer les forces militaires pour mettre un terme aux manifestations contre la brutalité policière. (…) La parution de cette tribune provoque une levée de boucliers sans précédent au sein de la « Dame en gris », comme on surnomme le grand quotidien new-yorkais. En réponse, des douzaines de journalistes se répandent sur Twitter avec le message : « Publier ceci met en danger les employés noirs du New York Times. » (…) James Bennet se défend via Twitter. Les pages « Opinion », selon lui, doivent présenter des points de vue différents, même lorsqu’ils vont à l’encontre de la sensibilité de gauche des lecteurs. A. G. Sulzberger, le directeur du journal, commence par le soutenir. Mais la rébellion redouble. D’autant qu’on apprend au passage que c’est James Bennet qui a sollicité Tom Cotton, et qu’il n’a pas lu son texte avant publication. Plus d’un millier d’employés du journal signent une pétition, dénonçant des mots qui « semblent appeler à la violence, promouvoir la haine et s’appuient sur plusieurs erreurs factuelles, disent-ils. Son message sape notre travail et heurte nos standards ». (…) Au cours d’une conférence houleuse avec le personnel, un James Bennet larmoyant fait son mea culpa. A. G. Sulzberger concède que la tribune n’aurait jamais dû être publiée. « Le ton était méprisant et l’article inutilement et délibérément incendiaire », reconnaît-il. Deux jours plus tard, James Bennet démissionne et son adjoint est mis au placard. Au sein du quotidien, ce limogeage express ne fait pas l’unanimité. (…) « L’objection initiale que le texte d’un sénateur puisse mettre en danger la vie des employés est complètement dingue. Ce concept nous vient des campus universitaires où l’on protège les étudiants contre des discours jugés violents, analyse Matt Welch, éditorialiste à Reason, le magazine libertarien. Ce journal a la prétention d’animer des débats d’idées sur la place publique, mais là, il ne joue plus les modérateurs, il joue au flic en décidant qu’il n’accepte plus les positions de gens qui représentent 40 % du pays. » (…) La révolte s’étend à toute la presse. Et les têtes tombent. Stan Wischnowski, le rédacteur en chef du Philadelphia Inquirer, a démissionné après la parution d’un article déplorant la destruction de bâtiments historiques pendant les manifs. Le titre « Buildings Matter, Too » parodiait Black Lives Matter, le slogan du mouvement antiraciste. « C’est profondément offensant. Nous n’aurions pas dû l’imprimer », déclare la direction. La Pittsburgh Post-Gazette est aussi sur la sellette pour avoir interdit à une de ses journalistes noires de couvrir les manifestations. Les tweets de celle-ci, selon ses chefs, manquaient d’objectivité. Le plus extraordinaire reste la démission de deux femmes, responsables du Missourian, en protestation contre une caricature jugée raciste publiée par le directeur de la publication qui n’est autre que… leur père !

Faut-il détruire l’Occident ? La question est posée dans une tribune libre publiée par Le Monde (23 juin) et signée de Kamel Daoud, écrivain et journaliste algérien :

Faut-il détruire l’Occident ? Le mettre à feu et à sang pour mieux le reconstruire ou mieux le piétiner dans ses ruines ? Cette géographie, qui participe autant de l’histoire que des imaginaires, partage les avis et divise les ardeurs des anti-tout qui y habitent. Entre ceux qui y craignent la fin du monde et ceux qui la veulent, ceux qui la fabriquent et ceux qui la redoutent. Collapsologues, écologistes messianiques, antiracistes radicaux, populistes, tiers-mondistes nostalgiques et populistes du victimaire, ardents de la « souche » et racialistes inversés : ils sont foule et la foule fait désormais effet d’armées. (…) L’Occident étant coupable par définition selon certains, on se retrouve non dans la revendication du changement mais, peu à peu, dans celle de la destruction, la restauration d’une barbarie de revanche. Les raisons ? Elles sont diverses. La colère longtemps tue, la culpabilité chez les élites occidentales « de souche », la fin d’un sursis obscur donné aux démocraties traditionnelles, les populismes rageurs et les réseaux sociaux. (…) De fait, il y a comme une convergence des luttes pour la meilleure fin d’un monde : victimaires, antiracistes, mais aussi masochistes intellectuels et sceptiques professionnels, suprémacistes et défaitistes esthètes. Le vœu de changer l’Occident se retrouve contaminé, profondément, par celui de le voir mourir dans la souffrance. Et, dans l’élan, on gomme cette conséquence suicidaire que par sa mort on se tuera soi-même, on tuera le rêve d’y vivre ou d’y aller par chaloupes ou par avions, on tue le seul espace où il est justement possible de crier sa colère. D’ailleurs, le fait même de défendre l’Occident comme espace de liberté, certes incomplète et imparfaite, est jugé blasphématoire dans cette nouvelle lutte des classes et des races. Il est interdit de dire que l’Occident est aussi le lieu vers où l’on fuit quand on veut échapper à l’injustice de son pays d’origine, à la dictature, à la guerre, à la faim, ou simplement à l’ennui. Il est de bon ton de dire que l’Occident est coupable de tout pour mieux définir sa propre innocence absolue. L’Occident sera alors crucifié pour notre salut à tous en quelque sorte, confondu, dans le même corps blanc, dans une trinité horizontale, avec les deux autres voleurs à la gauche et à la droite de ce Christ géant. Erreurs et illusions coûteuses. L’Occident est à la fois coupable et innocent. Or, tuer un coupable ne brise pas la chaîne de la douleur. Elle fait échanger les robes des victimes et des bourreaux. (…) Ces procès anti-Occident à la soviétique, si faciles et si confortables, à peine coûteux quand on ne vit pas dans la dictature qu’on a fuie, menés par les intellectuels du Sud en exil confortable en Occident ou par des fourvoyés locaux sont une impasse, une parade ou une lâcheté. Ils n’ont ni courage, ni sincérité, ni utilité. Il n’est même plus besoin de relire les insanités d’un journaliste qui a fui son pays du Maghreb il y a vingt ans, se contentant de dénoncer la dictature « locale » sans y mettre les pieds, tout en passant son temps à fustiger les démocraties qui l’ont accueilli. La règle de ce confort est qu’il est plus facile de déboulonner la statue d’un tyran, au Nord, sous les smartphones, que de déboulonner un vrai tyran vivant au « Sud ». Et il n’est pas même utile de répondre à ceux qui, lorsque vous tenez ces propos pourtant réalistes, vous accusent de servilité intellectuelle.

Pour consulter nos précèdentes publications, voir :

Au quotidien n°73

Au quotidien n°72

Au quotidien n°71

Au quotidien n°70

Au quotidien n°69

Au quotidien n°68

Au quotidien n°67

Au quotidien n°66

Au quotidien n°65

A quotidien n°64

Au quotidien n°63

Au quotidien n°62

Au quotidien n°61

Au quotidien n°60

Au qutodien n°59

Au quotidien n°58

Au quotidien n°57

Au quotidien n°56

Au quotidien n°55

Au quotidien n°54

Au quotidien n°53 (du numéro 24 au numéro 53)

Au quotidien n°23 (du numéro 1 au n°23)

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