La pause liturgique : Introït « Nunc scio » (saints Pierre et Paul)

Publié le 28 Juin 2025
sanctus grégorien agnus gloria introït
Solennité des saints Pierre et Paul – 29 juin
Nunc scio vere, quia misit Dóminus Angelum suum : et erípuit me de manu Heródis, et de omni exspectatióne plebis Judæórum.

Ps. Dómine, probásti me et cognovísti me : tu cognovísti sessiónem meam et resurrectiónem meam.

Vraiment, je me rends compte maintenant que le Seigneur a envoyé son ange, et qu’il m’a arraché aux mains d’Hérode et à tout ce qu’attendait le peuple juif.

Tu me scrutes, Seigneur, et tu sais ! Tu sais quand je m’assois, quand je me lève.

Actes 12, 11 ; Psaume 138, 1-2

 

Commentaire spirituel

Les Actes des Apôtres qui fournissent le texte de l’Introït de la messe des saints Pierre et Paul, nous montrent le Seigneur opérer de grands miracles pour permettre la diffusion de l’Évangile. L’évasion de saint Pierre hors de la prison du temple est un de ces miracles qui sont racontés avec beaucoup de fraîcheur et de naturel par l’auteur que l’on sait être saint Luc. Rappelons brièvement les faits : Pierre a été emprisonné à un moment critique, juste après la mort de Jacques, le premier des douze à avoir donné sa vie pour le Christ. Hérode s’apercevant que ce crime avait plu aux Juifs, et désirant obtenir leur faveur, fit également arrêter Pierre, reconnu comme le chef incontesté de la nouvelle religion.

Les Actes nous disent que Pierre fut mis sous la garde de quatre escouades de quatre soldats, c’est-à-dire que pour s’échapper, il lui aurait fallu franchir ces quatre niveaux de surveillance. Autant dire que c’était impossible, du moins à vue humaine, et le récit souligne ainsi le caractère tout providentiel de la délivrance de Pierre. C’est Dieu qui intervient, par l’intermédiaire d’un ange, c’est-à-dire d’un envoyé céleste invisible mais puissant qui va intervenir de façon miraculeuse auprès du Prince des Apôtres.

Notons ce détail profondément touchant : l’Église entière priait pour Pierre, soit pour obtenir sa délivrance, soit pour qu’il soit trouvé digne d’offrir pleinement sa vie au Christ. Les martyrs ne sont jamais seuls : ils bénéficient toujours de la prière de toute l’Église, dans le grand mystère si réconfortant de la communion des saints.

L’ange, qui ne fait aucun bruit, qui ne se fait pas voir, vient tout d’abord réveiller Pierre. Chose admirable qui nous renseigne sur le tempérament de Simon Pierre : il est dans les fers, entouré de deux soldats ; il a tout lieu de croire qu’il n’en sortira pas, qu’il subira le même sort que Jacques, et pourtant il dort… et ne semble pas plus perturbé que cela. L’ange se manifeste par l’éclat d’une lumière insolite, mais rien n’y fait… Il se voit donc obligé de frapper Pierre au côté pour le secouer de sa torpeur.

Les soldats, quant à eux, aussi bien ceux qui entourent directement Pierre que ceux qui veillent aux différentes portes, sont sans doute aveuglés par la lumière, ou bien sont tombés dans une léthargie providentielle qui les rend totalement inefficaces dans leur mission. Pierre avouera plus tard qu’il se croyait en plein rêve. Il obéit à l’ange qui lui dit tout ce qu’il faut faire, comme une maman à son petit garçon : lève-toi, mets ta ceinture, chausse tes sandales, mets ton manteau, et suis-moi.

Les verrous ne sont pas un obstacle, les portes s’ouvrent d’elles-mêmes, et de poste en poste, Pierre se retrouve soudain à l’extérieur de la prison. L’ange alors, qui a accompli sa mission surnaturelle, laisse Pierre se débrouiller maintenant qu’il est libre, et disparaît à ses yeux. Et Pierre ne perd pas le nord, il se repère bien vite et se dirige vers la maison de son disciple Marc.

Autre détail pris sur le vif qui nous fait sourire tellement cela semble vrai : la jeune servante dont nous connaissons le nom, Rhodè, reconnaît bien la voix de Pierre qui frappe à la porte, mais dans sa joie, elle court annoncer qu’il est là sans penser à lui ouvrir ! Et comme personne ne la croit, on lui dit qu’elle délire. Elle cherche alors à se justifier, et tout cela prend du temps. Pierre continue de frapper à la porte, et finalement on lui ouvre et on le découvre avec stupeur.

Voilà donc le contexte, à la fois dramatique et si vivant, si touchant. Lorsque Pierre s’est retrouvé seul avec lui-même au beau milieu de la rue, il s’est rendu compte alors qu’un ange était réellement venu le sortir de sa prison, alors que jusque là il pensait avoir eu une vision. Et c’est le texte de notre introït. « Maintenant je sais… » En fait, Pierre fait un acte de foi car l’ange n’est plus en sa présence. Dans sa foi, il voit la cohérence entre cette délivrance et la mission qu’il a reçue de Dieu de continuer à évangéliser le monde.

L’Église prend plaisir à commémorer cet épisode de la vie de Pierre, car il met en lumière la puissance de Dieu et la confiance qui doit animer les chrétiens, en toutes circonstances. C’est bien le Seigneur qui dirige les événements de notre vie, qui permet tout ce qui nous arrive et nous guide, à travers tout cela vers notre perfection et notre salut éternel. Pierre, en tant que chef de l’Église, a expérimenté fortement cette vérité : ce ne sont pas les hommes qui dirigent la marche de l’histoire, mais Dieu qui nous aime.

Dès lors, abandonnons-nous à sa Providence et laissons-le mener la petite barque de notre existence. Et chantons en Église, avec foi, la confiance inébranlable que nous mettons dans le Seigneur.

Notons aussi l’heureux choix du verset du psaume 138 qui est un des psaumes de la résurrection. L’apôtre, comme son Maître, est dans la main de Dieu, et tout ce qui lui arrive, est délicatement aménagé par la Providence.

 

Commentaire musical

 

Nunc scio Partition nunc scio

 

La mélodie de cet introït est empruntée au 3e mode qui est justement un mode extatique. La pièce qui met en musique une réflexion de l’apôtre, est assez simple au plan mélodique. Il s’agit en effet d’une sorte de récitatif, mais à la première personne du singulier, ce qui lui donne un caractère de témoignage bien vivant. On sent, dans cette pièce, toute la gratitude adorante de Pierre et elle passe dans nos cœurs. Trois phrases musicales composent cet introït.

L’intonation est classique en 3e mode, de par sa montée véloce vers la dominante, mais elle a deux particularités : elle part du Fa et non du Mi, ce qui lui donne un caractère plus ferme, et de fait, il faudra bien appuyer ce départ sur le Fa de nunc ; et ensuite, elle se pose non pas sur le Do mais sur le Si, qui est en réalité la véritable dominante du 3e mode.

Ce tout dernier demi-ton Do-Si de l’intonation a quelque chose de touchant qui exprime bien le mouvement d’action de grâce qui s’élève du cœur de Pierre. Mais retenons que cette intonation est très ferme : sur l’attaque du nunc, sur l’accent de scio et sur celui de vere.

La suite de la première phrase se campe sur le Do en relation avec le La (quia misit Dóminus). Le mouvement est léger, sans éclat, lumineux pourtant, et encore une fois expressif de la gratitude de Saint Pierre. Relevons les deux Sib de Angelum suum qui introduisent une nuance de tendresse, de dévotion, de recueillement, d’intimité, dans cette apodose très douce de la première phrase.

La seconde phrase commence dans cette même atmosphère, humblement, doucement, et le Sib apparaît également au terme de la montée de erípuit. L’ensemble de cette seconde phrase est très modeste et ne dépasse le La que sur ce Sib précisément. Il y a bien une nuance de mystère dans le traitement mélodique de de manu Heródis qui s’enroule entre le La et le Fa dans un premier temps, puis fait intervenir le Mi de la tonique à l’approche de la cadence. Le rapport direct entre le La et le Mi, juste avant l’accent tonique de Heródis, traduit bien, avec délicatesse, toutefois, la malignité du plan royal à l’encontre de Pierre.

Mais l’introït ne s’attarde pas sur ces sombres propos : l’apôtre est bel et bien délivré et sa joie se manifeste à nouveau dès le début de la troisième phrase qui ressemble à celui de la première phrase, avec le même appui soutenu sur le Fa, mais une montée directe et franche vers le Do, en lien avec le Sol, corde sur laquelle se fixe la cadence de exspectatióne. Tout cela est très ferme et très enthousiaste.

Et c’est sur le dernier membre, plebis Judæórum, que la mélodie, s’apaisant et s’intériorisant une dernière fois, se fixe en mode de Mi, avec un élargissement suggestif et très paisible, contrastant fort avec l’agitation des Juifs.

Cette pièce n’est pas triomphale, ou plus exactement, son triomphe est humble et tout rapporté à la gloire de Dieu. L’alternance entre la joie et le recueillement se fait tout naturellement dans un climat de grande gratitude.

 

>> à lire également : Léon XIII (2/5) : La cohérence d’un riche magistère à redécouvrir

 

Un moine de Triors

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