Benoît XVI-William Cavanaugh, même combat ?

Publié le 08 Juil 2009
Au quotidien n° 247 : état de droit et refondation politique L'Homme Nouveau

La lecture de la dernière encyclique de Benoît XVI a évoqué en nous plusieurs choses. Nous avons déjà évoqué les liens avec les principes du courant distributiste que Chesterton a présenté dans un livre comme Plaidoyer pour une propriété anticapitaliste.

Mais nous sommes heureux de constater qu’un autre ouvrage publié par nos éditions entre directement en résonnance avec les propos du Saint-Père. Ce livre, c’est celui de William Cavanaugh : Etre consommé.

Avant d’en donner un extrait, on trouvera peut-être indécent que nous établissions ces rapprochements, semblant récupérer le pape à notre cause. Soyons clair : nous ne récupérons pas le pape ; nous ne le transformons pas en un objet publicitaire et de consommation [voir les raisons profondes de ce rejet dans Etre consommé de William Cavanaugh] : nous sommes simplement heureux de constater cette communion. Ajoutons, pour terminer sur ce sujet, que si nous n’en parlons pas nous-mêmes, personne d’autres ne le fera.

Dans Etre consommé, le théologien William Cavanaugh ne se contente ni d’analyser le phénomène de la consommation, ni de poser un regard théologique inédit sur lui. Il va au-delà, en proposant des solutions alternatives. Par exemple, il écrit ceci au chapitre III :

« 

Si le détachement d’endroits et de communautés particulières a contribué à la dépersonnalisation de l’économie mondiale, alors une esthétique adéquate du particulier devrait remettre la personne humaine au centre des relations économiques, comme Jean Paul II n’a cessé de le répéter. Une esthétique et une pratique du don de soi mutuel devraient, de même, s’opposer à la construction du sujet en consommateur, ce qui, pareillement, dépersonnalise le sujet en perturbant l’éros

divin qui est la marque d’une vraie vie humaine florissante.

Tout cela ne peut être rendu immédiat que dans les pratiques concrètes et locales. Car ce n’est que dans la rencontre de l’autre que le Christ peut être rencontré, dans le concret et non dans l’abstrait, et c’est seulement par l’attachement au – et non le détachement du – concret que le Christ est rencontré. L’appel aux chrétiens n’est pas tant soit d’adopter soit de remplacer une abstraction comme l’est le « capitalisme » par d’autres abstractions. C’est plutôt de soutenir des formes économiques, de communautés et de cultures qui reconnaissent l’universalité de la personne individuelle.

Un exemple de la manière dont les chrétiens répondent à cet appel est le mouvement rural communautaire chrétien (Church Supported Agriculture)

qui crée un lien direct entre les familles d’agriculteurs et les communautés locales. Plutôt que de réduire leur militantisme économique à exiger que l’État intervienne dans le marché, les paroisses créent des types alternatifs d’espaces économiques dans lesquels on résiste à l’abstraction de la mondialisation par des rencontres face-à-face entre les producteurs et les consommateurs. Dans ce modèle, les familles d’agriculteurs – la plupart d’entre elles pratiquant l’agriculture biologique et des méthodes permettant un renouvellement de l’environnement – vendent directement leur production par l’intermédiaire des communautés religieuses locales. Les paroissiens soit achètent ces produits soit achètent une part de la production de l’agriculteur avant la récolte en contribuant ainsi à partager le risque agricole. L’église sert de dépôt pour les produits et de lieu où agriculteurs et paroissiens se rencontrent. Dans cet espace, l’intermédiaire est évité et la nourriture a un visage humain. La nourriture ne provient plus d’un endroit anonyme et distant, mais d’un autre être humain particulier avec lequel le consommateur peut entrer en relations. Dans une telle rencontre, la personne est vue comme un autre soi et un autre Christ, l’universel et le particulier. Il s’ensuit que les échanges économiques ne sont plus simplement fondés sur l’offre et la demande, sur ce que le marché apportera. Les prix sont déterminés pour permettre aux agriculteurs de se maintenir en vie, en évitant d’être soumis aux caprices du marché. (56) » (pp. 143-144)

Que dit le Pape de son côté ? Au numéro 66 de son encyclique, il écrit :

« Dans ce domaine des achats aussi, surtout en des moments comme ceux que nous vivons où le pouvoir d’achat risque de s’affaiblir et où il faudra consommer de manière plus sobre, il est opportun d’ouvrir d’autres voies, comme par exemple des formes de coopération à l’achat, telles que les coopératives de consommation, créées à partir du XIXe siècle grâce notamment à l’initiative des catholiques. Il est en outre utile de favoriser de nouvelles formes de commercialisation des produits en provenance des régions pauvres de la planète afin d’assurer aux producteurs une rétribution décente, à condition toutefois que le marché soit vraiment transparent, que les producteurs ne reçoivent pas seulement des marges bénéficiaires supérieures mais aussi une meilleure formation, une compétence professionnelle et technologique et qu’enfin des idéologies partisanes ne soient pas associées à de telles expériences d’économie pour le développement. Il est souhaitable que, comme facteur de démocratie économique, les consommateurs aient un rôle plus décisif, à condition qu’ils ne soient pas eux-mêmes manipulés par des associations peu représentatives. »

Benoît XVI-William Cavanaugh, même combat ? Cela se pourrait ! Benoît XVI-L’Homme Nouveau, même esprit ? Si c’est le cas, que Dieu nous y garde ! Si non, qu’il nous y mette !

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