Église et politique : le problème du système
Le Front national a été au cœur de l’actualité de la rentrée politique. D’abord par l’éviction de Jean-Marie Le Pen et, ensuite, par la polémique déclenchée par l’accueil de Marion Maréchal-Le Pen, député de ce parti, à l’Université d’été de la Sainte-Baume organisée par le diocèse de Fréjus-Toulon dont l’évêque est Mgr Dominique Rey. Face à cet évènement, le porte-parole de la Conférence épiscopale a fait savoir que le programme du Front national restait contraire à l’Évangile. À vrai dire, rien de bien nouveau dans ce dernier épisode des réactions du noyau dirigeant de l’épiscopat français.
La nouveauté se situe bien dans la normalisation du Front national au sein du système politique français. Courageusement, Mgr Rey a montré que l’Église ne pouvait rester sourde à ce que représente ce parti, quitte à apporter les corrections nécessaires lors du dialogue entamé.
Malheureusement, le problème de fond ne se situe pas là où le porte-parole de la Conférence épiscopale croit le voir encore. Aujourd’hui, aucun parti politique français ne peut être déclaré totalement conforme à la doctrine de l’Église, ne serait-ce qu’au regard de la question de l’avortement et, plus largement, de la famille. Plus profondément encore, aucun responsable de l’Église en France ne s’interroge vraiment sur la perversité consubstantielle au système politique, fondé sur la modernité, laquelle, dans sa version tardive, favorise une conception de l’homme et de la société ainsi que des comportements radicalement contraires à la loi naturelle et à la Révélation. À ce titre, l’accueil par Mgr Rey de Marion Maréchal-
Le Pen est peut-être une bonne chose dans le cadre de l’action pastorale de l’évêque, y compris dans sa dimension politique, mais il reste un épiphénomène. Ce changement d’attitude à l’égard du Front national ne change pas la nature profonde du problème : la réaction des catholiques face à un système moral, culturel, politique, économique et financier qui bloque résolument la poursuite du bien commun.
Au-delà des sophismes
À ce titre, le combat enclenché actuellement au sein de l’Église pour la défense du mariage et de la famille est d’une importance capitale. Les sophismes courent allègrement pour désarmer ceux qui entendent défendre la doctrine traditionnelle. On les accuse d’être opposés au Pape François alors que celui-ci a lui-même désiré la forme du débat pour préparer le prochain Synode sur la famille. Or, qui dit débat implique évidemment échanges contradictoires et parole laissée aussi à ceux qui ne vont pas dans le sens du vent, dont Gustave Thibon disait très justement que c’est une ambition de feuilles mortes.
Le piège conceptuel de l’opposition à la miséricorde fonctionne également très bien. Dans un livre à paraître, dont nous publions plusieurs extraits dans notre dossier, onze cardinaux rappellent la profonde réalité de la vraie miséricorde et de son lien intrinsèque avec la reconnaissance par le pécheur de sa faute. Nous reviendrons dans notre prochain numéro sur ce sujet capital de la défense du mariage chrétien en évoquant un autre livre, fruit du travail international de plusieurs laïcs (1). Dans ce temps de ténèbres et de confusion, il est capital d’être éclairé par la lumière de principes vrais fidèles à la doctrine immémoriale de l’Église et non de se laisser entraîner à des considérations mondaines ou la chaleur d’une charité faussée.
La situation de la Fraternité Saint-Pie X
La notion de miséricorde est souvent au cœur de cette confusion. Dans la perspective du jubilé qui lui est consacré, le Pape François a pris plusieurs décisions. Parmi ces dernières, celle de permettre à chaque prêtre « d’absoudre du péché d’avortement », ce qui implique la levée de l’excommunication (mais le Pape n’en parle pas), réservée jusqu’ici à l’évêque. On notera ici que la miséricorde s’incarne par l’extension de la possibilité du pardon, mais que celui-ci exige toujours une vraie démarche pénitentielle de reconnaissance personnelle du péché et de contrition. L’autre mesure est la possibilité de recevoir le sacrement de pénitence des prêtres de la Fraternité Saint-Pie X pendant la durée du jubilé de la miséricorde. Au-delà de l’évènement jubilaire, cette décision montre que la volonté de régler la situation de cette Fraternité est toujours réelle à Rome et que l’évolution de son statut canonique est bien en cours, même si un long chemin reste à parcourir.
1. Sous la direction de Miguel Ayuso, président de l’Union internationale des juristes catholiques, De Matrimonio, éditions Marcial Pons, Madrid, Barcelone, Buenos Aires, São Paulo.