Subsidiarité et bien commun

Publié le 24 Avr 2024
subsidiarité bien commun

La subsidiarité permet une articulation harmonieuse entre les différentes composantes de la vie en société.

Édito de la Lettre Reconstruire n°35 (avril 2024).

 

Ce nouveau numéro de Reconstruire continue, à travers la rubrique « Questions de principe », à aborder l’enseignement pontifical à propos de la subsidiarité. Formulé scientifiquement par Pie XI, mais déjà présent chez Léon XIII, le principe de subsidiarité n’a cessé de prendre une place grandissante dans le corpus social catholique. Au point, comme nous le soulignons dans ce même numéro, d’être introduit indirectement dans le nouveau Code de droit canonique (1983) et donc dans la vie de l’Église elle-même.

 

Une importance majeure

Plus encore que dans les documents officiels, le principe de subsidiarité a pris une place singulière dans les publications de vulgarisation concernant la doctrine sociale de l’Église (et Reconstruire n’y échappe d’ailleurs pas). Son importance n’est pas seulement soulignée, elle est systématiquement mise en avant au point de souvent laisser penser que l’enseignement social de l’Église se concentre essentiellement sur ce point.

De fait, il est impossible aujourd’hui de penser la doctrine sociale de l’Église sans recourir à la subsidiarité tant ce principe de vie sociale permet une articulation harmonieuse entre les différentes composantes de la vie en société. Reste que cette insistance nouvelle et typiquement moderne a finalement conduit à une focalisation sur la subsidiarité qui risque, si l’on n’y prend garde, par isoler ce principe d’un ensemble qui n’est réaliste qu’en raison de sa cohérence et de l’harmonie qui doit exister entre les différents éléments d’une même doctrine.

 

Le principe de totalité

C’est ainsi que la subsidiarité ne peut se penser (et donc ensuite s’appliquer) sans prendre en compte deux autres principes, tout aussi importants, et qui s’appellent l’un l’autre. Le premier de ces éléments est le principe de totalité (1). Le second, qui en découle immédiatement, est la primauté du bien commun.

Le principe de totalité repose avant tout sur un élément de logique naturelle : la partie n’est pas plus grande que le tout. Dans son message aux médecins neurologues (14 septembre 1952), Pie XII précisait que ce principe « découle de l’essence des notions et des choses et doit par là avoir une valeur absolue. » Il exprime en fait la relation qui existe entre la partie et le tout, laquelle est une relation de subordination, impliquant que le bien du tout est supérieur à celui de la partie. C’est en s’appuyant sur le principe de totalité que l’on fonde par exemple la bonté du dévouement jusqu’à la mort si nécessaire du citoyen (la partie) pour sa patrie (le tout).

 

Nécessité d’une bonne analyse

Évident et logique, le principe de totalité exige toutefois une bonne analyse de la réalité. Il existe en effet plusieurs manières d’être un « tout ». La société est un tout d’ordre, un tout « moral » qui possède « une unité de finalité et d’action » alors que l’individu est un tout substantiel.

De la (véritable) subordination de la partie au tout, dans la mesure où leur relation se vérifie, découle le second principe qui entre en relation avec la subsidiarité : la primauté du bien commun sur le bien particulier. À ce titre, si le principe de subsidiarité exige le respect des communautés intermédiaires, celles-ci ne peuvent à leur tour s’abstraire du respect du bien commun de la société politique. Elles doivent au contraire y concourir, sous la conduite de l’autorité. En oubliant cette subordination, on risque en fait de défigurer la doctrine sociale de l’Église.

 


  1. Pour une explicitation plus complète du principe de totalité, voir Jean Madiran, Du bien commun, Éd. de L’Homme Nouveau, 164 p., 20 €.

 

>> à lire également : La synodalité dans la tourmente

 

Stéphen Vallet

Ce contenu pourrait vous intéresser

À la uneÉditorial

Un pontificat qui commence

Éditorial de Maitena Urbistondoy | Léon XIV, en se plaçant dans la filiation de Léon XIII, s’inscrit dans un héritage doctrinal clair auquel beaucoup de fidèles aspirent. À l’heure où l’euthanasie est sur le point d’être légalisée en France, où le nom du Christ est refoulé dans la sphère privée, l’unité des catholiques devient urgente. Une unité non pas simplement ecclésiale, mais aussi politique. Ce n’est pas par compromission que l’Église a formé l’Europe, mais par sa foi. C’est cette foi qui a adouci les mœurs et élevé les institutions.

+

Léon XIV pontificat
Éditorial

Loi naturelle et politique selon saint Thomas d’Aquin

L'essentiel de Joël Hautebert | Alors que le débat sur l’euthanasie illustre une fois de plus la rupture croissante entre droit positif et loi naturelle, l’ouvrage de don Jean-Rémi Lanavère (csm) sur saint Thomas d’Aquin rappelle que la loi politique, loin de s’opposer par principe à la loi naturelle, en est l’expression concrète. Une invitation à redécouvrir le rôle structurant de la politique dans l’ordre moral.

+

Pour saint Thomas d’Aquin, la politique doit découler de la loi naturelle.
Éditorial

Le Christ et l’Église, mariés pour la vie

L'éditorial du Père Danziec | L’Église, c’est elle qui nous sauve et non pas qui que ce soit qui se trouverait en mesure de sauver l’Église. On ne sauve pas l’Église, on la sert. De tout son cœur et de toute son âme. On ne change pas l’Église, on la reçoit. Intégralement et sans accommodement de circonstance. Tout le mystère de l’Église gît dans l’équation et la convertibilité de ces deux termes : le Christ et l’Église. Ainsi, la formule « Hors de l’Église, point de salut» ne signifie réellement pas autre chose que : « Hors du Christ, point de salut ».

+

christ et église
ÉditorialFrançois

Notre quinzaine : que demandez-vous à Dieu ?  

Éditorial de Philippe Maxence | La nouvelle du décès de François n’a surpris personne. Depuis plusieurs mois, nous savions qu’il était malade et qu’il pouvait, d’un moment à l’autre, rendre son âme à Dieu. En attendant de pouvoir en faire un bilan, nous devons d’abord prier pour le repos de l’âme de François ainsi que pour l'Église.

+

dieu
Éditorial

À quoi sert la politique ?

L’Éditorial du Père Danziec | Il est une exigence à laquelle doit répondre la politique et qui échappe parfois à ceux-là mêmes qui devraient l’enseigner dans l’Église : la politique se doit d’aider les hommes à atteindre leur fin. L’organisation idéale de la cité sera celle qui, à sa place, favorisera l’amour des vertus et le service de la vérité, dans le but du salut des âmes.

+

politique
Éditorial

Libérer la vérité

L'Éditorial de Maitena Urbistondoy | Le catholicisme semble avoir trouvé un nouveau souffle… sur les réseaux sociaux ! Beaucoup de catholiques s’emparent de ces outils pour évangéliser. L'intention est bonne, mais la vie privée devient un contenu monétisable, est-ce bien prudent ? Nous confondons prudence et stratégie, vérité et popularité, communication et mission. Nous croyons faire œuvre d’apostolat, alors que nous participons parfois à la dissolution du sens.

+

libérer la vérité