La moralisation de la vie politique : illusion et réalité
La morale fait son retour. Ou, plus exactement, la moralisation. Il y a loin, en effet, de l'une à l'autre. Tout le monde peut moraliser, et personne ne s'en prive. Ainsi du juste et du vertueux, comme de l'injuste et du vicieux. L'expérience, qui le montre, enseigne davantage : qu'il est plus aisé de moraliser que de donner l'exemple, ce pourquoi le vicieux s'entend mieux au premier rôle et le vertueux au second.
Ce constat conduit à s'interroger sur ce que signifie le terme « moraliser ». Ce n'est pas la même chose, en effet, de « faire la morale », par le discours, et de rendre un espace donné conforme aux exigences de la morale. Tartuffe « fait » la morale ; le juste la pratique et en répand les fruits. « Moraliser », pourtant, peut signifier l'un et l'autre. C'est pourquoi les discours actuels sur la « moralisation de la vie politique » sont si ambigus. Ils le sont d'autant plus que la « moralisation » évoquée ne paraît avoir qu'un seul objet : l'usage de l'argent.
Les politiciens aiment à moraliser, de gauche comme de droite, même si les premiers se sont fait une spécialité d'être une « incarnation des valeurs universelles », à proportion de leur perte de « toute énergie politique » (Jean Baudrillard, Libération, mai 1997).Ce n'est pas par hasard queJérôme Cahuzac, infiniment plus mal traité désormais par ses « amis » que par ses adversaires, se voit reprocher, non pas tant d'avoir commis une fraude fiscale qu'une « impardonnable faute morale » (François Hollande).
Mais de quoi parle-t-on ? Dire que la politique doit être « moralisée » c'est avouer qu'elle ne l'est pas. Soit. Mais en quel sens ? Veut-on suggérer qu'elle a besoin de plus de discours sur la morale, de plus de surenchère...