Fin de la Conférence de Lambeth : la crise demeure et va s’aggraver

Publié le 06 Août 2008
Fin de la Conférence de Lambeth : la crise demeure et va s’aggraver L'Homme Nouveau

En 1998, au dernier jour de la précédente Conférence de Lambeth, les participants avaient été éblouis par un magnifique feu d’artifice qui avait illuminé, à la nuit tombante, le ciel au-dessus de la cathédrale de Cantorbéry. Cette année, pour sa quatorzième édition, c’est une pluie torrentielle qui s’est abattue sur le campus de l’Université du Kent où se déroulait, le 3 août, la dernière journée de cette assemblée décennale de la Communion anglicane qui n’a rien réglé de ses contradictions et qui s’enfonce dans un schisme “au ralenti”.
Les conclusions de cette conférence sont « absolument vaines et entièrement nulles », pour reprendre, avec une triste ironie, l’expression même qu’utilisa Léon XIII pour qualifier les ordinations anglicanes dans Apostolicæ Curæ en 1896. « Futilité » pour certains participants, « perte de temps » pour beaucoup d’autres et frustration pour tous – y compris pour nos confrères journalistes, traités par-dessus la jambe. Et à quel prix ! Le coût de cette réunion s’élève à quelque 5 millions de £ (6,3 millions d’euros) dont 2 restent à réunir…
Le meilleur résumé de l’inanité ce cette Conférence qui réunissait moins des trois-quarts des évêques de la Communion anglicane – lesquels ne représentaient même pas la moitié des fidèles anglicans –, tient en deux citations du Dr Rowan Williams, primat de la Communion, extraites de son allocution d’ouverture et de son allocution de clôture.
Le 20 juillet, il déclarait : « Nous savons tous que nous nous trouvons au cœur d’un des défis les plus graves qu’ait dû affronter la famille anglicane au cours de son histoire ».
Le 3 août, il concluait : « Au cours de ces jours que nous avons passés ensemble, nous n’avons pas surmonté nos problèmes ni réinventés nos structures : cela prendra encore du temps ».
Du temps ! Toute la stratégie du primat Williams se réduit à cela : gagner du temps, temporiser, renvoyer à plus loin et à d’autres « instruments » de la Communion le soin de “bricoler” des compromis dont au fond personne ne veut et que le primat n’a ni la volonté ni le pouvoir d’imposer.

Lorsqu’en 1998, à la précédente réunion, la Conférence vota la résolution (I. 10, e) stipulant qu’elle « ne pouvait recommander de légitimer ou de bénir des unions de personnes du même sexe, ni d’ordonner ceux qui sont impliqués dans des unions de même genre » [déjà l’idéologie du “genre”], que croyez-vous qu’il se passa ? L’Église épiscopalienne des États-Unis accepta l’ordination épiscopale de Gene Robinson, un homosexuel déclaré, et bénit à tour de bras les unions « de même genre », ce que s’est empressé d’imiter l’Église anglicane du Canada et ce que commence à pratiquer… l’Église d’Angleterre !
On voit ce que valent les « résolutions » votées à la Conférence de Lambeth ! Pour éviter de décider d’une chose et d’en voir appliquer d’autres, le Dr Williams a cru très astucieux de supprimer toute séance plénière des évêques – nous dirions chez nous un synode d’évêques ou un concile – et de les répartir dans une multitude de petits groupes – voir de sous-groupes… – d’une quarantaine de participants, intitulés « Indaba ». Ce mot zoulou veut dire « palabre ». À la différence qu’en Afrique noire un « palabre » se termine toujours par une décision prise, en principe, pour le bien commun du village. À Cantorbéry, les palabres n’ont abouti à rien puisqu’il fallait précisément ne rien décider.

 Le long (plus de 40 000 mots) et indigeste document publié le 3 août sous le titre Lambeth Indaba Reflections 2008 n’est même pas une synthèse de ces palabres qui exprimerait des orientations pour la Communion ou préciserait en quoi elle est une unité, mais un pénible résumé des idées qui ont été échangées sur toute une série de sujets… Face aux problèmes mortels qui se sont accumulés dans la Communion anglicane, on était en droit de s’attendre à des canons, à des anathèmes, à des déclarations. Il faudra se contenter d’une médiocre sténographie.
Le Dr Williams a tenté, mezzo voce, de suggérer qu’il serait peut-être avisé de s’accorder sur un moratoire quant aux bénédictions des « unions de même genre ». La réponse de Katherine Jefferts Schori, évêquesse, primat [là je n’utilise pas la forme féminisée du mot] des États-Unis et présidente des évêques épiscopaliens des États-Unis, a été immédiate : aucun besoin d’un moratoire puisqu’on continuera à bénir les « unions de même genre ».
Le Dr Williams a encore tenté de proposer deux autres suggestions pour éviter le schisme et même les schismes annoncés.
– Le « Pastoral Forum », un instrument qui pourrait « punir » – on se demande bien comment ? – les Églises de la Communion qui briseraient le consensus – lequel ? – en matières d’ordinations d’homosexuels et de bénédictions « d’unions de même genre ». Outre que le document visant à constituer cet instrument n’en est qu’à ses « observations préliminaires », le principe même en a déjà été rejeté par l’Église épiscopalienne : « Si c’est quelque chose qui est destiné à punir ou à discipliner, alors je crois que ça ne marchera pas. Nous n’avons pas besoin d’un tribunal et nous n’avons pas besoin d’une entité qui définisse la doctrine » déclarait, sitôt l’annonce faite par le Dr Williams, le 30 juillet, Sergio Carranza, évêque auxiliaire du diocèse épiscopalien de Los Angeles.
– L’« Anglican Covenant » – Alliance anglicane – supposé définir le type nouveau d’unité de la Communion capable de garantir « l’indépendance dans l’interdépendance » comme disait, en son temps, qui vous savez (avec les résultats qu’on a pu constater…). Mais, là encore, nous sommes dans un « processus » qui va prendre du temps. Beaucoup de temps même, car selon le Dr Williams si un premier projet pouvait être rédigé dans un an – mais ce n’est pas sûr –, l’« Anglican Covenant » pourrait, éventuellement, voir le jour à l’horizon 2012 ou 2013.
Il n’est pas très difficile de pronostiquer que le « Pastoral Forum » pas plus que l’« Anglican Covenant » ne verront le jour, à moins qu’ils ne voient le jour quand la Communion anglicane aura finalement implosé, une implosion finale qui, pour le coup, ne relève pas du pronostic mais du simple bon sens.
Rome l’a bien compris. Le temps du dialogue œcuménique, ancienne manière, est révolu. La Communion anglicane est en train de mourir sous nos yeux, ayant éclaté en quatre, cinq ou six gros morceaux. Avec quel morceau dialoguer ? Avec quel interlocuteur prendre langue ? Nous ne sommes plus à l’époque de Ramsey, de Coggan, de Runcie ou de Carey mais à celle de Williams dont plus de la moitié des anglicans ne reconnaissent plus la primauté. Sans doute, comme le déclarait le cardinal Kasper à Lambeth, un dialogue minimum, « plus modeste » – n’ayant plus pour but le « rétablissement d’une communion complète de foi et de vie sacramentelle » – pourra se poursuivre à l’avenir et peut-être « produire de bons résultats, mais il ne sera pas soutenu par le dynamisme que donne la possibilité réaliste de l’unité que le Christ attend ». C’est bien le constat de la fin d’une époque et la fin, peut-être, d’un mirage. Reste à régler le cas des anglicans qui ont rompu – ou qui s’apprêtent à le faire – avec une Communion qui n’était qu’une illusion et un “catholicisme” tout d’apparence, et qui frappent à la porte de l’Église. Il faudra certes du discernement, mais tout faire pour « favoriser leur réconciliation avec l’Église, dans laquelle, soit isolément, soit en masse – ce que Nous souhaitons très vivement – ils peuvent choisir beaucoup d’exemples à imiter » (Léon XIII, Apostolicæ Curæ).

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