Le curé d’Ars et la fête du Très Saint Rosaire

Publié le 07 Oct 2013
Le curé d’Ars et la fête du Très Saint Rosaire L'Homme Nouveau

Pour une fête du Très Saint Rosaire, le curé d’Ars, saint Jean-Marie Vianney, donna un premier dimanche d’octobre le sermon dont nous extrayons ce passage consacré à la prière du Rosaire.

Méditer le Rosaire

Le saint Rosaire est composé de tout ce qu’il y a de plus touchant. C’est une pratique de piété qui a rapport à Jésus-Christ aussi bien qu’à sa Mère. De plus, il est impossible de rester dans le péché en méditant sincèrement ces mystères ; de quelque côté que nous prenions cette pratique, tout nous en démontre l’excellence et l’utilité. Quand nous prions la sainte Vierge, nous ne faisons rien autre chose que de la charger de présenter elle-même nos prières à son divin Fils ; afin qu’elles soient mieux reçues, et que nous en recevions plus de grâces. Marie est le canal par lequel nous faisons monter au ciel le mérite de nos bonnes œuvres, et qui nous transmet ensuite les grâces célestes. Ce qui doit nous engager à nous adresser à elle avec une grande confiance, c’est qu’elle est toujours attentive à écouter nos demandes. En voici une preuve : un jour saint Dominique gémissait sur les progrès que faisait l’impiété dans le monde, et sur la foi qui se perdait de plus en plus. Prosterné devant une image de la sainte Vierge, il lui demanda, dans sa simplicité, quel remède l’on pourrait employer pour empêcher la perte de tant d’âmes. La sainte Vierge lui apparut, lui disant que s’il voulait ramener des âmes à son Fils, la seule ressource était d’inspirer une grande dévotion pour le saint Rosaire, et que bientôt il verrait le fruit de cette dévotion. Saint Dominique se mit donc à prêcher la dévotion du saint Rosaire, et commença d’abord à la pratiquer lui-même. Cette dévotion se répandit en peu de temps, et si bien, qu’il y eut un grand nombre de conversions ; ce qui fit dire au saint, qu’il avait plus converti d’âmes par la récitation d’un Ave Maria, que par tous ses sermons. Il est vrai que la récitation du saint Rosaire est simple, mais c’est ce qu’il y a de plus touchant. On se met en la présence de Dieu par un acte de foi ; on récite le Je crois en Dieu, qui nous met devant les yeux ce que Jésus-Christ a souffert pour nous… Peut-on bien réciter ces paroles sans se sentir pénétré de respect et de reconnaissance envers le bon Dieu, qui nous donne tant de moyens de revenir à lui, quand nous avons eu le malheur de nous en écarter par le péché !

Contempler le modèle divin

Dans le Rosaire, les premiers mystères que nous appelons joyeux, et que nous méditons pour la conversion des pécheurs, nous représentent les humiliations, l’anéantissement de Jésus-Christ, sa Naissance, sa Circoncision, sa Présentation au temple, sa fuite en Égypte, sa perte dans le temple. Pouvons-nous trouver, M.F. (mes frères), quelque chose de plus capable de nous toucher, de nous détacher de nous-même et du monde, de nous faire supporter nos peines en esprit de pénitence, que de contempler le modèle divin, dans la méditation de ces mystères ? Les saints en faisaient toute leur occupation.

Saint Bernard

Deux jeunes étudiants, rapporte l’histoire, étaient toujours ensemble à méditer sur la vie cachée de Jésus-Christ. L’un d’eux, après sa mort, apparut à l’autre, selon la promesse qu’il avait faite, et lui dit qu’il était au ciel pour avoir communié avec beaucoup de ferveur et avec une conscience bien pure ; pour avoir eu une grande dévotion à la sainte Vierge, chose qui est très agréable à Dieu ; pour avoir souvent médité la vie cachée de Jésus-Christ et l’avoir imité autant qu’il avait pu. Il est raconté dans la vie de saint Bernard, que la sainte Vierge le protégea toujours d’une manière si particulière, que le démon perdit sur lui tout son empire. Ayant perdu sa mère encore tout jeune, il pria Marie de l’adopter pour son enfant : plus tard, sa dévotion augmentant toujours, Bernard pria la sainte Vierge de lui montrer ce qu’il fallait faire pour lui être plus agréable, et il entendit une voix qui lui dit : « Bernard, mon fils, fuis le monde et cherche une retraite dans quelque solitude : là tu te sanctifieras. » Il y passa toute sa vie dans la pénitence et les larmes, et, de là, il monta au ciel. Voyez-vous ce que lui valut sa confiance en la sainte Vierge ?

Bienheureuse Marguerite de Cortone

Nous lisons dans la vie de la bienheureuse Marguerite de Cortone, qu’elle faisait consister toute sa dévotion à imiter la vie pauvre et inconnue de la sainte Famille ; elle ne voulut jamais rien posséder, pas même pour le lendemain ; elle fut abandonnée de tous ses parents, de ses amis, mais le bon Dieu en prit soin lui-même. Elle faisait toutes ses pratiques de piété pour honorer la sainte Famille dans l’étable de Bethléem, elle arrosait le pavé de ses larmes, quand elle pensait à ces mystères de pauvreté et d’abandon. Quand elle fut morte, on ouvrit son cœur, l’on y trouva trois petites pierres où étaient écrits les noms de Jésus, de Marie et de Joseph. Voyez-vous combien la méditation de ces mystères est agréable à Dieu ?…

Il est encore rapporté qu’un grand pécheur avait passé sa vie dans toutes sortes de désordres. A l’heure de la mort, comme nous voyons les choses bien autrement que quand nous sommes en santé ! Voyant qu’il avait fait tant de mal, il se laissa aller au désespoir. L’on eut beau faire pour lui inspirer confiance en la miséricorde de Dieu, rien ne put le gagner. On lui parla de saint Augustin. « Mais, disait-il, saint Augustin n’avait pas encore été… » On lui dit d’avoir recours à la sainte Vierge, mais il répondit qu’il l’avait méprisée toute sa vie ; on lui représenta Jésus-Christ qui a tant souffert pour nous sauver. – « C’est vrai, dit-il, mais je l’ai persécuté et fait mourir tous les jours. » On lui dit encore : « Mon ami, croyez-vous qu’un enfant bien jeune se rappelle, quand il est grand, des petites peines qu’on lui a faites dans son enfance ? » – « Non, dit-il. » – « Eh bien ! mon ami, allons à la crèche, et nous y trouverons ce jeune Enfant que vous avez offensé, il est vrai, mais il vous dira qu’il ne s’en rappelle plus maintenant. » Il entra dans une si grande confiance et une si grande douleur de ses péchés, qu’il mourut avec des marques visibles que le bon Dieu l’avait pardonné. Voyez-vous, M.F., combien ces méditations sont agréables à Dieu, et combien elles sont capables d’attirer sur nous ses miséricordes ?

Une prière qui rapproche de Dieu

Il n’y a point de prières qui nous rapprochent mieux de la vie de Jésus-Christ que cette pieuse pratique. Cependant, il faut que notre dévotion soit éclairée et sincère, et non une dévotion d’habitude et de routine. Saint Césaire nous rapporte un exemple, pour nous faire voir que la sainte Vierge ne reçoit guère bien ces dévotions qui ne sont pas sincères : 

 « II y avait, dans l’ordre de Cîteaux, un religieux qui, faisant le médecin, sortait contre la volonté de son supérieur et de son confesseur. Mais, par une certaine dévotion qu’il avait en Marie, il rentrait dans le monastère à toutes les fêtes de la sainte Vierge. Un jour de la Présentation, comme il était au chœur avec les autres religieux pour chanter les saints offices, il vit la sainte Vierge se promener dans le chœur, et donner à tous les religieux une certaine liqueur qui les enflammait d’un tel amour, qu’ils ne se croyaient plus sur la terre, tant ils éprouvaient de douceur. Quand la sainte Vierge vint à côté de lui, elle passa sans lui en donner, en lui disant « que ceux qui voulaient chercher les douceurs de la terre ne méritaient pas de goûter celles du ciel, et, quoiqu’il se rendît au monastère le jour de sa fête, cela ne lui était pas agréable. »

Ce reproche lui fut si sensible, qu’il se mit à pleurer et promit de ne plus sortir. Une autre fois que la sainte Vierge reparut, elle lui accorda, comme aux autres, la même grâce, parce qu’il avait tenu sa promesse. Il passa sa vie dans une grande dévotion à la sainte Vierge, et en reçut de grandes grâces ; il ne pouvait se contenter de dire combien celui qui aimait la Mère de Dieu recevait de grands secours pour faire son salut et pour vaincre le démon.

Saint Stanislas avait une si grande dévotion envers la sainte Vierge, qu’il la consultait en tout ce qu’il faisait. Ce jeune homme se figurait souvent le bonheur qu’avait eu le saint vieillard Siméon de prendre le saint Enfant Jésus entre ses bras. Un jour qu’il était en prières, tout occupé de cette pensée, la sainte Vierge lui apparut tenant le saint Enfant Jésus, elle le lui donna pour lui procurer le même avantage. Saint Stanislas le prit comme saint Siméon, et il en eut tant de bonheur, qu’il ne pouvait en parler sans verser des larmes abondantes, tant son cœur était rempli de joie. Voyez-vous, M.F., combien la sainte Vierge est attentive à nous obtenir les grâces dès que nous les lui demandons ? Ah ! M.F., que nous assurerions notre salut, si nous avions une grande confiance en la sainte Vierge ! Que de péchés nous éviterions, si nous avions recours à elle dans toutes nos actions, si tous les matins, nous nous unissions à elle, en la priant de nous présenter à son divin Fils !

Les mystères douloureux

Si nous passons aux deuxièmes mystères que nous appelons douloureux, que de motifs puissants et capables de nous toucher, de nous faire comprendre l’amour infini d’un Dieu pour nous ! En effet, M.F., qui ne serait pas touché en voyant un Dieu qui tombe en agonie, qui couvre la terre de son sang adorable ? Un Dieu lié, garrotté, jeté à terre par ses ennemis, et cela pour nous délivrer de l’esclavage du démon ! Qui ne sera pas ému de voir un Dieu couronné d’épines qui lui traversent le front, un roseau à la main, au milieu d’un peuple qui l’insulte et le méprise ! Oh ! qui pourra comprendre toutes les horreurs qu’il endura pendant cette nuit affreuse qu’il passa avec des scélérats ? On l’attache à une colonne, où il fut frappé avec tant de cruauté que son pauvre corps n’était plus que comme un morceau de chair découpée ! 0 mon Dieu, que de cruautés vous avez endurées pour nous mériter le pardon de tous nos péchés ! Oh ! M.F., qui de nous ne craindrait plutôt le péché que la mort !… Oh ! nous avons bien de quoi nous consoler dans nos souffrances, et un bien juste motif de pleurer nos péchés !…

Un missionnaire prêchant dans une grande ville, apprit qu’il y avait dans un cachot un malheureux qui se désolait ; ses larmes et ses gémissements faisaient frémir ceux qui l’entendaient ; il eut la pensée d’aller le voir pour le consoler, et lui offrir les secours de son ministère. Étant entré dans la prison, il fut lui-même effrayé des lamentations de ce pauvre malheureux, il vit bien que la peinture qu’on lui en avait faite n’était rien en comparaison de ce qu’il voyait. Il lui dit avec bonté :

« Mon cher ami, quel est le sujet de votre douleur ? » Comme le prisonnier ne répondait rien , le missionnaire lui dit : « Est-ce votre position qui vous afflige ? » – « Non, j’en mérite bien davantage. » – « Avez-vous laissé dans le monde quelqu’un qui souffre par rapport à vous ? » – « Non, rien de tout cela ne m’inquiète » – « C’est donc la pensée de la mort qui vous afflige ? » – « Non certainement, je sais bien que je ne vivrai pas toujours : un peu plus tôt, un peu plus tard, la mort viendra assez ; pourvu que je puisse expier mes péchés je serai trop heureux. Mais puisque vous voulez savoir le sujet de mes larmes, le voici. » Et tout en sanglotant, il tira de dessous ses vêtements un gros crucifix et le montra au missionnaire : « Voilà le sujet de mes larmes. Oh ! un Dieu qui a tant souffert et qui est mort pour moi, malgré mes offenses, peut-il bien encore me pardonner ? La grandeur de ses souffrances et de son amour pour moi sont la cause que je ne puis retenir mes larmes ; depuis que je suis ici tout le monde m’abandonne, il n’y a que mon Dieu qui pense à moi, qui veut encore me donner l’espérance du ciel. Ah ! qu’il est bon ! Comment se peut-il faire que j’aie été si malheureux pour l’offenser ?… »

M.F., convenez avec moi que si nous sommes si peu touchés de la méditation de ces mystères, c’est que nous n’y faisons point d’attention. Mon Dieu ! quel malheur pour nous !…

Si nous poursuivons, nous voyons un Dieu chargé d’une grosse croix ; il est conduit entre deux voleurs par une troupe de scélérats, qui l’accablent des plus sanglants outrages. Le poids de sa croix le fait tomber à terre ; à grands coups de pied et de poing il est relevé, et, bien loin de penser à ses souffrances, il semble ne penser qu’à consoler les personnes qui prennent part à ses maux. Oh ! pourrions-nous n’être pas touchés et trouver nos croix pesantes, en voyant ce que souffre un Dieu pour nous ? En faut-il davantage pour nous exciter à la douleur de nos péchés ? Écoutez : on le cloua sur la croix, sans qu’il laissât sortir de sa bouche un mot pour se plaindre qu’il endurât trop de souffrances. Écoutez ses dernières paroles : «  Mon Père, pardonnez-leur, parce qu’ils ne savent ce qu’ils font. » N’avais-je pas bien raison de vous dire que le saint Rosaire nous représente tout ce qui est le plus capable de nous porter au repentir, à l’amour et à la reconnaissance ? hélas ! M.F., qui pourra jamais comprendre l’aveuglement de ces pauvres impies, qui méprisent une pratique de dévotion si capable de les convertir, si capable de nous donner la force de persévérer quand nous sommes assez heureux d’être dans la grâce de Dieu !

Les mystères glorieux

Parlons maintenant des troisièmes mystères que l’on appelle glorieux. Que pouvons-nous trouver de plus pressant pour nous détacher de la vie et nous faire soupirer après le ciel ? Dans ces mystères, Jésus-Christ nous apparaît sans souffrances, et prenant possession d’un bonheur infini qu’il nous a mérité à tous. Pour nous faire concevoir un grand désir du ciel, il y monte en plein jour, en présence de plus de cinq cents personnes. Si vous méditez encore ces mystères, vous voyez la sainte Vierge, que son divin Fils vient chercher lui-même avec toute la cour céleste ; les anges paraissent visiblement et entonnent des cantiques de joie qu’entendent tous les assistants ; elle quitte la terre où elle a tant souffert, et va rejoindre son Fils, pour être heureuse du bonheur de celui qui nous appelle et qui nous attend tous. Pouvons-nous trouver quelque chose dans notre sainte religion qui puisse mieux nous porter au bon Dieu et nous détacher de la vie ?

Imiter les vertus de la Vierge

Eh bien ! M.F., voilà ce que c’est que le saint Rosaire, voilà cette dévotion que l’on blâme tant et dont on fait si peu de cas. Ah ! belle religion, si l’on te méprise, c’est bien parce que l’on ne te connaît pas ! … Cependant, ne nous arrêtons pas à cela ; il faut encore, autant que nous le pouvons, imiter les vertus de la sainte Vierge pour mériter sa sainte protection, et surtout son humilité, sa pureté, sa grande charité. Ah ! pères et mères, si vous aviez le bonheur de recommander souvent à vos enfants cette dévotion à la sainte Vierge, que de grâces elle leur obtiendrait ! que de vertus ils pratiqueraient ! Vous verriez naître en eux tout ce qu’il y a de plus capable de les rendre agréables au bon Dieu ! Non, M.F., nous ne pourrons jamais comprendre combien la sainte Vierge désire nous aider à nous sauver, combien sont grands les soins qu’elle prend de nous. La moindre confiance que nous avons en elle n’est jamais sans récompense. Heureux celui qui vit et meurt sous sa protection, l’on peut bien dire que son salut est en sûreté et que le ciel lui sera donné un jour ! C’est le bonheur que je vous souhaite.

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