Notre quinzaine : Nature de l’homme et campagne électorale

Publié le 18 Fév 2022

Il y a eu cent trente ans le 16 février dernier, le pape Léon XIII publiait son encyclique Au milieu des sollicitudes. Plus qu’un appel, un véritable coup de tonnerre puisque le souverain pontife ordonnait aux catholiques français de se rallier à la République dans le but de combattre efficacement les lois anticléricales.

Ces dernières années, plusieurs historiens, venus d’horizons différents, se sont penchés sur ce thème. C’est le cas notamment de Philippe Prévost dans L’Église et le ralliement, histoire d’une crise (CEC, 2001), du professeur Martin Dumont et de sa passionnante thèse de doctorat, Le Saint-Siège et l’organisation politique des catholiques français aux lendemains du Ralliement. 1890-1902 (Honoré Champion, 2012) et, venu d’Italie, Le Ralliement de Léon XIII du professeur Roberto de Mattei (Le Cerf, 2016). Plus anciennement, dans son Histoire religieuse de la France contemporaine (1951), un classique, Adrien Dansette y consacrait de nombreuses pages et y revenait même assez longuement dans sa tentative de bilan. Généralement, les historiens s’accordent pour conclure à un certain échec immédiat de la voie politique imposée par Léon XIII aux catholiques français. Pourtant, Adrien Dansette, par exemple, tempérait ce jugement en estimant qu’un second ralliement, caractérisé par les accords avec la République en 1924 et la condamnation de l’Action française (1926), était parvenu à ses fins.

Disparition des anticorps

Quoi qu’il en soit de la vision historique, le Ralliement a profondément modifié, jusqu’à aujourd’hui, le poids du catholicisme dans la société française et le regard des catholiques sur la politique.

Et c’est là, étrangement, que l’Histoire rejoint notre actualité. Parmi ses effets induits, le Ralliement nous a conduits à acquiescer à la vision moderne de l’homme et à entrer dans un processus d’intégration à la modernité politique, lequel nous a entraînés dans une véritable dilution sociale et politique, facteur elle-même d’une diminution de nos anticorps conformes à la loi naturelle.

Ainsi, alors que les joutes électorales se déroulent sous nos yeux, que les candidats à l’élection présidentielle rassemblent leurs troupes et tentent de séduire les électeurs, nous catholiques, nous contemplons ce spectacle comme s’il était normal et conforme au bien de l’homme. Or, sans entrer dans de difficiles considérations philosophiques, il est évident qu’aussi bien les élections que les débats parlementaires traduisent dans les faits un système politique reposant sur une vision extrêmement pessimiste de l’homme dont le professeur Danilo Castellano a expliqué l’origine protestante (1).

Quelle vision de l’homme ?

Pessimiste ? Oui, en ce que cette vision postule un homme ne cherchant finalement que son intérêt et s’opposant constamment aux autres. Le but de la politique se réduit alors non à chercher le bien commun mais à tempérer les ardeurs belliqueuses en organisant la confrontation. Sans même parler de la vision chrétienne de l’homme, c’est peu dire que nous sommes ici à l’opposé de la conception classique de la politique. Pour celle-ci, l’homme n’est pas d’abord un individu isolé, mené par un égoïsme nécessaire, mais un animal social, lequel peut vivre dans la cité en raison de l’amitié politique, lien qui unit les hommes entre eux.

Esprit de faction ou amitié politique en vue du bien commun ? La question nous semblera naïve dans sa simple formulation. Elle traduit pourtant, à sa manière, une conception de l’homme et de la politique pour laquelle il faut trancher. La réponse ne sera peut-être pas opérante immédiatement, mais elle doit nous conduire au minimum à ne pas avaliser en pensée une philosophie politique et sa concrétisation contraire à la nature de l’homme. Même si nous estimons devoir poser des choix concrets dans le cadre du système politique moderne, il convient de le faire toujours comme un pis-aller en vue de préparer le retour aux conceptions conformes au droit naturel.

C’est ce que dit sur un autre plan l’abbé Claude Barthe dans le petit ouvrage que nous éditons (2) : « l’opposant au système social moderne doit constamment s’exercer à une ascèse de non-intégration mentale et morale, sans qu’elle prenne cependant jamais la forme d’une fuite sectaire ou communautariste. Elle nécessite une éducation à la résistance spirituelle, intellectuelle, éthique, que devraient dispenser les clercs et d’abord les évêques, mais que doivent assumer en toute hypothèse les parents et enseignants catholiques. »

1. Martin Luther, le chant du coq de la modernité, Éditions de L’Homme Nouveau, 236 p., 12 €.

2. La Tentation de ralliement, être catholique en démocratie, Éditions de L’Homme Nouveau, 174 p., 13 €.

Ce contenu pourrait vous intéresser

ÉditorialLettre Reconstruire

Quelle société voulons-nous ?

Lettre Reconstruire n° 40 | Éditorial | Catholiques ou hommes de bonne volonté, nous réagissons aujourd’hui aux successives attaques contre la famille, contre l’enfant à naître, contre les perversions LGBT ou plus récemment contre les folies du wokisme et du transgenre. Généralement, nous voyons clairement ce que nous refusons et ce que nous combattons. Il est bien entendu qu’un mal combattu est le pendant d’un bien à faire éclore.

+

société famille
Éditorial

Le sourire comme distinction spécifique

L'éditorial du Père Danziec | Le sourire est une force, c'est une maîtrise de soi qui transcende passions et contrariétés par une bonne humeur conquérante et imperturbable. Ni aveugle ni grincheux, le chrétien de 2024 doit mener son âme de façon semblable à celle des premiers chrétiens.

+

sourire chrétien
ÉditorialSociété

L’incendie de Saint-Omer, symbole d’un réveil nécessaire

L'Éditorial de Maitena Urbistondoy | L’incendie de la cathédrale de Saint-Omer (Pas-de-Calais), dans la nuit du 1er au 2 septembre, a ravivé des souvenirs douloureux dans les esprits, notamment celui de Notre-Dame de Paris. Alors que la reconstruction de cette dernière touche à sa fin, cet autre drame nous rappelle que notre patrimoine religieux demeure fragile. Ces monuments, témoins d’une histoire chrétienne millénaire, sont bien plus que de simples édifices architecturaux. Leur disparition progressive, que ce soit par négligence ou vandalisme, met en lumière une question bien plus profonde : la perte de nos racines spirituelles.

+

incendie saint-omer
Éditorial

Notre quinzaine : Retrouver une hygiène de l’âme

Éditorial du Père Danziec | « Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne pas savoir demeurer en repos dans une chambre », écrivait Blaise Pascal. Faits pour l’au-delà mais englués dans l’immédiat, telle est la triste condition de milliards d’hommes perdus dans les contradictions internes de la postmodernité. L’heure de la rentrée et de la reprise, après la période estivale, peut nous donner l’occasion d’une résolution vitale : préserver la santé de notre sensibilité, de notre volonté et de notre intelligence. Retrouver en somme une véritable hygiène de vie.

+

hygiène de l'âme smartphone
Éditorial

Notre quinzaine : La vérité à tout prix !

L'édito de Philippe Maxence | À l’approche d’une nouvelle rentrée, faut-il revenir sur les grands faits d’un été particulièrement chargé ? À vrai dire, la question n’est pas seulement rhétorique. Si nous n’y prenons garde, la pesanteur des événements peut, en effet, nous entraîner dans les bas-fonds du désespoir, nous masquant ainsi la réalité dans sa totalité et sa complexité, laissant surtout l’Ennemi triompher en utilisant jusqu’à notre indignation face au scandale du mal.

+

vérité blasphème
Éditorial

Notre quinzaine : L’enjeu de véritables vacances

Édito du Père Danziec (n° 1812) | À l’heure où vous tiendrez ce magazine entre vos mains, les mois chauds et sympathiques des vacances se seront de nouveau installés. Voici venu le temps de nous délasser des labeurs et des fatigues de l’année académique ! Comment donc ne pas vous souhaiter, chers lecteurs de L’Homme Nouveau, de véritables semaines d’été reposantes ! Car oui, le repos est sacré !

+

vacances