Notre quinzaine : Ne nous laissez pas succomber à la tentation !

Publié le 06 Mar 2017
Notre quinzaine : Ne nous laissez pas succomber à la tentation ! L'Homme Nouveau

« Un des grands maux de notre temps, écrivait déjà en 1956 l’historien Pierre Gaxotte, est que la politique se soit en tant de lieux, dégradée et avilie. Ici, elle n’est qu’une manifestation apocalyptique de force et de mensonge imposé, ailleurs une clameur de promesses inconsistantes et de revendications sans frein, une discussion systématique et interminable de choses qui ne peuvent être discutées, un déchaînement de passions, une agitation stérile qui fait horreur à l’homme de science et au créateur ».

Dissolution de la politique

Aujourd’hui, il apparaît que la politique, qui a normalement pour objet le bien commun, n’est pas seulement « dégradée et avilie », mais qu’elle se soit entièrement dissoute, disparue corps et biens dans un univers d’insignifiance, de règlements techniques et d’arrêtés internationaux. Il ne semble rien en rester, sinon une sorte d’écume qui tente de lui ressembler et qui, parfois, comme pour accroître la confusion, en affiche une partie du visage et des réflexes.

La situation dans laquelle se trouve la France à quelques semaines des élections présidentielles illustre parfaitement ce constat. Loin de nous conduire à une réelle réflexion sur la réforme nécessaire au pays, elle nous oblige constamment à assister, comme pour une série télévisée, aux épisodes d’un feuilleton politico-judiciaire, avec son lot de rebondisse­ments et de retournements de situation nécessaires au mouvement des passions tout en rendant l’intelligence incapable de discerner le vrai du faux.

Dans le même temps, nous sommes sommés de nous enthousiasmer pour la montée en puissance d’un ancien ministre qui, après avoir fait l’ENA, débuté sa carrière comme inspecteur des finances avant de se reconvertir en banquier d’affaires, prétend incarner le soulèvement anti-système. Ceux qui ont dénoncé, non sans raison souvent, l’installation dans la politique de la « télé-réalité » avec l’arrivée de Donald Trump à la présidence des États-Unis, n’ont pas pris garde que celle-ci campait déjà dans l’univers mental des Français.

L’impossible renouveau ?

Pourquoi un tel spectacle ? Pourquoi une telle situation, à laquelle participent d’ailleurs plus ou moins tous les prétendants à la Présidence de la République ? Il n’est pas aisé de répondre de manière simple à de telles questions. Il faudrait à la fois prendre en compte la crise proprement politique et économique dans laquelle nous sommes plongés, mais aussi remonter en arrière pour en discerner les origines historiques et les fondements idéologiques.

Il s’agit d’un travail de longue haleine, qui dépasse largement le cadre de mon propos. On ne peut que souligner, ici, qu’en ayant nié Dieu, la vérité, la morale au nom du matérialisme, du scepticisme et d’un épicurisme, non plus philosophique, mais entièrement pratique, on a fini par laisser place au vide. Or, il est impossible de bâtir sur une pure négation. Celle-ci n’a l’aspect de l’action que dans son mouvement de destruction des réalités qui lui préexistent. Mais, après ?

Ce dont la France a besoin serait de repartir d’une politique de civilisation, renouer le dialogue avec la sagesse pérenne, se ressaisir de son génie historique. Il lui faudrait à nouveau étreindre les vérités éternelles sur l’homme et la société, se sortir de l’illusion de l’autonomie absolue, de l’in­dividualisme forcené, de la dissolution des liens sociaux. Mais, aujourd’hui, aucun d’entre nous n’est en état d’entendre un discours politique qui irait dans ce sens. Les uns croulent sous les impôts, les autres cherchent désespérément du travail. Les parents sont inquiets pour l’avenir de leurs enfants et les patrons pour celui de leur entreprise. Devant les offensives qui se multiplient contre la vie et contre les libertés, comment ne pas donner la priorité à l’urgence, aux solutions immédiates, fussent-elles insatisfaisantes en partie ? Comment ne pas crier vouloir reprendre son souffle avant d’entreprendre éventuellement une réelle réforme en profondeur ?

Le désespoir surmonté

Depuis des décennies maintenant, nous cherchons tous à reprendre ce souffle et à espérer que la France le retrouve avec nous. Certes, la politique repose sur la vertu de prudence, sur ce discernement pratique au regard des circonstances par rapport au but à atteindre. Mais la prudence n’est pas la pusillanimité. Il ne faudrait pas que cette dernière nous entretienne en fait dans un état permanent de noyé, toujours sauvé in extremis, sur un certain nombre d’aspects concrets (des impôts à l’école en passant par la liberté d’entreprendre) qui empêchent de poser les fondements d’une véritable politique de civilisation. Les dernières affaires qui ont touché la vie politique française, les derniers épisodes de la montée en puissance de certains candidats ou le flot incessant de mensonges qui se déversent constamment depuis ces bouches d’égout que sont, hélas, certains journaux, ne sont réellement importants que dans le cadre d’un système politico-médiatique qui pourrait être en train de sombrer.

Celui-ci ne doit pas entraîner dans son sillage celui de notre espérance. Pour certains, c’est la tentation du moment ! Comme toute tentation, celle-ci doit être surmontée, en s’appuyant à la fois sur la grâce et sur le travail de l’intelligence, capable de discerner l’exacte réalité. Nous sommes les héritiers mais aussi les agents d’une civilisation bimillénaire que nous devons continuer à défendre, à transmettre, à incarner, à féconder. C’est un labeur qui exige des sacrifices, mais pas celui de descendre l’étendard de notre foi en Dieu et en notre pays pour les remiser dans une vitrine aux souvenirs. C’est certainement au bout de notre désespoir surmonté que jaillira l’aurore que nous attendons tous.

Ce contenu pourrait vous intéresser

A la uneÉditorialLettre Reconstruire

Quelle société voulons-nous ?

Lettre Reconstruire n° 40 | Éditorial | Catholiques ou hommes de bonne volonté, nous réagissons aujourd’hui aux successives attaques contre la famille, contre l’enfant à naître, contre les perversions LGBT ou plus récemment contre les folies du wokisme et du transgenre. Généralement, nous voyons clairement ce que nous refusons et ce que nous combattons. Il est bien entendu qu’un mal combattu est le pendant d’un bien à faire éclore.

+

société famille
Éditorial

Le sourire comme distinction spécifique

L'éditorial du Père Danziec | Le sourire est une force, c'est une maîtrise de soi qui transcende passions et contrariétés par une bonne humeur conquérante et imperturbable. Ni aveugle ni grincheux, le chrétien de 2024 doit mener son âme de façon semblable à celle des premiers chrétiens.

+

sourire chrétien
ÉditorialSociété

L’incendie de Saint-Omer, symbole d’un réveil nécessaire

L'Éditorial de Maitena Urbistondoy | L’incendie de la cathédrale de Saint-Omer (Pas-de-Calais), dans la nuit du 1er au 2 septembre, a ravivé des souvenirs douloureux dans les esprits, notamment celui de Notre-Dame de Paris. Alors que la reconstruction de cette dernière touche à sa fin, cet autre drame nous rappelle que notre patrimoine religieux demeure fragile. Ces monuments, témoins d’une histoire chrétienne millénaire, sont bien plus que de simples édifices architecturaux. Leur disparition progressive, que ce soit par négligence ou vandalisme, met en lumière une question bien plus profonde : la perte de nos racines spirituelles.

+

incendie saint-omer
Éditorial

Notre quinzaine : Retrouver une hygiène de l’âme

Éditorial du Père Danziec | « Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne pas savoir demeurer en repos dans une chambre », écrivait Blaise Pascal. Faits pour l’au-delà mais englués dans l’immédiat, telle est la triste condition de milliards d’hommes perdus dans les contradictions internes de la postmodernité. L’heure de la rentrée et de la reprise, après la période estivale, peut nous donner l’occasion d’une résolution vitale : préserver la santé de notre sensibilité, de notre volonté et de notre intelligence. Retrouver en somme une véritable hygiène de vie.

+

hygiène de l'âme smartphone
Éditorial

Notre quinzaine : La vérité à tout prix !

L'édito de Philippe Maxence | À l’approche d’une nouvelle rentrée, faut-il revenir sur les grands faits d’un été particulièrement chargé ? À vrai dire, la question n’est pas seulement rhétorique. Si nous n’y prenons garde, la pesanteur des événements peut, en effet, nous entraîner dans les bas-fonds du désespoir, nous masquant ainsi la réalité dans sa totalité et sa complexité, laissant surtout l’Ennemi triompher en utilisant jusqu’à notre indignation face au scandale du mal.

+

vérité blasphème
Éditorial

Notre quinzaine : L’enjeu de véritables vacances

Édito du Père Danziec (n° 1812) | À l’heure où vous tiendrez ce magazine entre vos mains, les mois chauds et sympathiques des vacances se seront de nouveau installés. Voici venu le temps de nous délasser des labeurs et des fatigues de l’année académique ! Comment donc ne pas vous souhaiter, chers lecteurs de L’Homme Nouveau, de véritables semaines d’été reposantes ! Car oui, le repos est sacré !

+

vacances