Le pardon et l’union à Dieu

Publié le 28 Juin 2016
Le pardon et l'union à Dieu L'Homme Nouveau

Dans le discours sur la montagne, le Seigneur semble insister sur le second commandement plutôt que sur le premier : il demande par exemple de prendre le temps de pardonner au prochain avant de s’approcher de l’autel du Seigneur (Mt. 5, 23s). Saint Jean Chrysostome l’explique ainsi : « Venant accomplir la Loi, le Seigneur ne commence pas par le premier commandement qui dit nos devoirs envers Dieu. Mais notre Dieu si bon poursuit d’abord les plus petites choses de la vie courante, nous ordonnant de nous traiter mutuellement avec respect et honneur » (Hom. XVII in Mt.).

Pourtant, l’ambition d’être tout à Dieu, n’est-ce pas la moindre des choses, ou mieux, l’unique Nécessaire n’est-il pas le plus urgent ? Belle question à laquelle, en fait, il faut répondre avec circonspection. Évidemment, l’union à Dieu est la grande urgence, pour chaque âme comme pour toute l’histoire humaine. Mais l’Évangile dénonce à diverses reprises les illusions qui nous guettent : le verre d’eau donné à quiconque a soif est plus sûr, le support mutuel dans le lourd quotidien surtout, voilà l’indice de la volonté de Dieu, plus sûre que la prière censément la plus belle. Il y a même un devoir de soupçonner une ferveur qui resterait loin du prochain : c’est d’ailleurs le tourment de l’ermite qui n’est jamais sûr d’être sur la bonne route.

Pas de véritable martyre sans pardon

Au IIIe siècle, deux amis se querellèrent, une histoire triste et classique. L’un des deux voulut promptement renouer le contact, à l’inverse de l’autre qui refusait de pardonner. Ce dernier fut pris dans la tourmente de la persécution et s’offrit au martyre avec courage et même avec joie. Sur le chemin qui le menait au bourreau, le premier le supplia alors à diverses reprises, mais en vain, de lui pardonner avant de mourir pour Jésus. Et voilà qu’au dernier moment, le condamné prit peur et renia sa foi, tandis que le premier prit sa place et eut la grâce de répandre son sang pour le Seigneur.

Saint François de Sales consacre à cet épisode un beau chapitre de son Traité de l’Amour de Dieu (X, 8), et tire la leçon spirituelle de ce Saprice supplanté par Nicéphore dans le martyre : « Histoire effroyable et digne d’être grandement pesée pour le sujet dont nous parlons, car avez-vous vu, mon cher Théotime, ce courageux Saprice, comme il était hardi et ardent à maintenir la foi, comme il souffre mille tourments, comme il est immobile et ferme en la confession du nom du Sauveur, tandis qu’on le roule et fracasse dans cet instrument fait à mode de vis, et comme il est tout prêt à recevoir le coup de la mort pour accomplir le point le plus éminent de la foi divine, préférant l’honneur de Dieu à sa propre vie ! Et néanmoins parce que d’ailleurs il préféra à la volonté divine la haine de Nicéphore, il demeure court en sa course; et lorsqu’il est sur le point d’atteindre et gagner le prix de la gloire par le martyre, il s’abat malheureusement, et se rompt le col, donnant de la tête dans l’idolâtrie ».

Le saint docteur objecte qu’il n’y a pourtant pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis (Cf. Jn. 15, 13). En réalité, ce qui est requis très prosaïquement, ce sont ces « actes plus aisés, plus communs et ordinaires et plus généralement nécessaires. Ô misérable Saprice ! Vous ne préférez pas la volonté [de Dieu] à la passion de la haine et rancune que vous avez contre le pauvre Nicéphore. Comment peut vouloir mourir pour Dieu celui qui ne veut pas vivre selon Dieu ? » (op. cit., id.)

La charité authentique a besoin de preuves simples et tangibles. Saint Paul l’a dit d’une façon irremplaçable : « Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, quand j’aurais le don de prophétie et la connaissance des mystères avec une foi à déplacer les montagnes, si je n’ai pas la charité, je ne suis rien qu’une cymbale retentissante en vain » (I Cor. 13, 1-3).

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