Poisseux
Cela se répand comme une brume, sur un marais, un soir de grisaille et de novembre, poisseuse, angoissante et nauséabonde sur le pays. Comme une nuit polaire qui n'en finit pas et pèse sur l'âme et oppresse le cœur. Ce ne sont pas seulement ces quelques cartouches de gaz lacrymogène, dont le ministre de l'Intérieur a dû découvrir un stock dans les surplus d'un dictateur parti à la retraite, tant, nonobstant les réductions budgétaires, il les utilise pour un oui, pour un mais, avec la générosité d'une nourrice normande. Non, ce qui écœure, ce sont les mensonges, cet épais brouillard qui s'insinue par tous les pores de la société, obscurcissant le ciel de l'intelligence jusqu'à la nausée.
Tout un chacun, quel que soit son camp, prend des libertés, que dis-je des libertés, chacun se livre pieds et poings liés au mensonge, en échange d'une couarde facilité pour dissimuler de petits ou de grands travers, par paresse car il est toujours plus facile de céder que de résister.
Chaque fois que la vérité semble trop pâlotte, trop terne ou alors au contraire, trop brillante, trop lumineuse, chacun d'une façon ou d'une autre prend la liberté de réécrire le réel pour essayer de plier celui-ci à ses caprices. Alors bien sûr, lorsque l'on est à la manœuvre, on a toujours d'excellentes raisons de rebroder, de dissimuler, de travestir la vérité. Et chacun alors, avec souvent beaucoup plus d'éloquence que lorsqu'il faut défendre ce réel, qui se dresse comme un rempart contre nos chemins de traverse et autres élucubrations fruits de la perversion de nos âmes, chacun fait preuve de beaucoup d'ingéniosité pour défendre l'indéfendable, et s'offusque de voir que ses amphigouris ne soient pas repris en chœur par tous et que même, certains, par esprit, forcément de contradiction (en langage médiatique : par fascisme et traîtrise réactionnaire)...